Victor Alter

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Victor Alter (ou Wiktor Alter), né le à Mława en Pologne, à l'époque partie de l'Empire russe, mort le à Samara en Union soviétique, est un militant socialiste juif, militant actif du Bund et membre du comité exécutif de la Deuxième Internationale.

Biographie[modifier | modifier le code]

Sa vie[modifier | modifier le code]

Alter fait ses études en Belgique, à l'Université de Gand, où il obtient un diplôme en ingénierie mécanique en 1912[1]. Après son diplôme, il retourne à Varsovie et en avril 1913, il est arrêté par les autorités tsaristes pour son activisme au Bund, et exilé en Sibérie[1]. Il réussit à s'échapper et s'enfuit en Grande-Bretagne[1] où il adhère au Parti travailliste. Pendant la Première Guerre mondiale, il milite en faveur de l'objection de conscience et refuse d'effectuer son service militaire. Après la révolution de février 1917, il retourne en Russie[1] et en , il devient membre du Comité central du Bund[1].

À partir de 1918, il réside dans la Pologne nouvellement indépendante[1]. Un des responsables importants du Bund polonais pendant l'entre-deux-guerres, il fait partie de l'aile gauche de l'organisation, favorable à une coopération plus étroite avec le Parti socialiste polonais (PPS). Il s'oppose au Komintern et au Parti communiste polonais[1]. En même temps, il est aussi membre du Conseil municipal de Varsovie[1].

En septembre 1939, après l'invasion allemande d'une partie de la Pologne, suivie par l'invasion du reste de la Pologne par les Soviétiques, Alter se retrouve en zone d'occupation soviétique. Le , il est arrêté par le NKVD[1]. En , il est condamné à mort par les autorités soviétiques, mais sa sentence est commuée en dix ans de travaux forcés au Goulag[1]. Après l'invasion de l'Union soviétique par l'Allemagne nazie et la signature des accords Sikorski-Maïski entre le Gouvernement polonais en exil et l'Union soviétique, Alter est relâché du Goulag[1].

Son exécution[modifier | modifier le code]

Il commence à organiser le Comité juif antifasciste international[1]. Il entre en contact à la même période avec Stanisław Kot, l'ambassadeur de Pologne à Moscou, et appelle les Juifs polonais se trouvant en Union soviétique à rejoindre l'armée polonaise d'Anders[2]. En , Alter et Henryk Erlich, un autre responsable du Bund, sont placés en résidence surveillée par les autorités soviétiques dans un hôtel de Kuibishev (Samara). Ignorant qu'ils sont sur écoute, les deux bundistes discutent de rumeurs faisant état d'un massacre d'officiers polonais, dont de nombreux Juifs, à Katyn. Les enregistrements sont immédiatement transmis à Staline[2]. Le , Alter est de nouveau arrêté par le NKVD, ainsi qu'Erlich[2] et assassiné, bien que l'on ignore les détails exacts de son exécution[1]. Selon certains rapports, il aurait été condamné à mort le , et immédiatement exécuté. D'autres sources indiquent que son exécution n'aurait eu lieu qu'en février 1943. La sentence de mort est signée par Molotov dans une note à Beria, affirmant que l'ordre a été approuvé personnellement par Staline[3].

En 1943, les autorités soviétiques publient un communiqué annonçant que Victor Alter a été exécuté pour "espionnage pour le compte d'Hitler". Son exécution sur ordre de Staline[4] provoque un tollé international[1].

Tombe mémoriale de Erlich et d'Alter au cimetière juif de Varsovie

Sa réhabilitation[modifier | modifier le code]

Le , Victor Erlich, le petit-fils de Henryk Erlich, est informé que selon un décret signé par le président russe Boris Eltsine, Victor Alter, ainsi que Erlich, sont "réhabilités" et que la répression qu'ils ont subie est déclarée illégale[3].

Bien que l'endroit exact où ont été enterrés Alter et Erlich reste inconnu, un monument symbolique est érigé le , au cimetière juif de la rue Okopowa à Varsovie. L'inscription mentionne simplement: « Responsables du Bund, Henryk Erlich, né en 1882, et Wiktor Alter, né en 1890. Exécutés en Union soviétique ».

L'érection du monument, ainsi que la publication de l'histoire d'Alter et d'Erlich, ont été pendant longtemps contrecarrés par le gouvernement communiste de la République populaire de Pologne d'après-guerre, et n'a été rendu possible que par les efforts incessants de Marek Edelman (1919-2009), un des très rares survivants du soulèvement du ghetto de Varsovie, Bundiste et membre du syndicat Solidarność[3]. La cérémonie commémorative a été suivie par plus de trois mille personnes[3].

Notes[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j k l m et n (en): A. T. Lane: Biographical dictionary of European labor leaders; Volume 1; "Wiktor Alter"; éditeur: Greenwood Publishing Group; 1995; page: 17. Biographical dictionary of European labor leaders sur google books
  2. a b et c (en): Roman Brackman, "The secret file of Joseph Stalin: a hidden life"; éditeur:, Routledge; 2001; page: 374; [1]
  3. a b c et d (en): Victor Erlich: "Child of a turbulent century. Jewish lives"; éditeur: Northwestern University Press; 2006; page: 93; [2]
  4. (en): Herman Kruk & Benjamin Harshav: "The last days of the Jerusalem of Lithuania: chronicles from the Vilna ghetto and the camps, 1939-1944"; éditeur: Yale University Press; 2002; page: 43; [3]

Publications[modifier | modifier le code]

Victor Alter publie de nombreux livres dont entre autres :

  • (pl): Antysemityzm gospodarczy w świetle cyfr (L'antisémitisme économique en chiffres) (1937)
  • (pl): Gdy socjaliści dojdą do władzy ...! (Quand les socialistes arrivent au pouvoir…!) (1934)
  • Comment réaliser le socialisme?; éditeur: Valois; Paris; ; ASIN: B003JRTL88

Il publie aussi de très nombreux articles dans la presse socialiste.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en): Samuel A. Portnoy: Henryk Erlich and Victor Alter: Two Heroes and Martyrs for Jewish Socialism; éditeur: Ktav Pub Inc; ; (ISBN 088125357X et 978-0881253573)
  • (en): The Case of Henryk Erlich and Victor Alter / foreword by Camille Huysmans; éditeur: Liberty Publications, pour le General Jewish Workers' Union (Bund); 1re édition 1943; Londres; ASIN: B003I4NIPY