Tourelle de 135 mm modèle 1932

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Tourelle de 135 en batterie (ouvrage de Métrich, bloc 11).

La tourelle pour deux lance-bombes de 135 mm modèle 1932 est l'un des types de tourelle qui équipent les blocs d'artillerie de la ligne Maginot. Il s'agit d'un modèle de tourelle à éclipse, installé en creux sur la dalle de béton de son bloc et armé avec deux lance-bombes de 135 mm modèle 1932. Son rôle était d'assurer la défense rapprochée de son ouvrage (notamment frontalement) et des casemates immédiatement voisines, en détruisant avec ses projectiles lourds à tir courbe les travaux d'approche (terrassements) adverses.

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

La tourelle de 135 mm fait 2,90 mètres de diamètre à l'extérieur pour un total de 163 tonnes. Sa partie mobile est mise en batterie à l'aide d'un contrepoids à l'extrémité d'un balancier, le tout étant en équilibre, actionné par un moteur électrique (de marque Sautter-Harlé) ou manuellement. Une fois en batterie, elle émerge de 1,05 mètre au-dessus de son avant-cuirasse, mais elle est complètement défilée dans sa cuvette[1].

Son blindage est de 300 mm d'épaisseur d'acier, que ce soit pour la toiture comme pour la muraille (partie entre la toiture et l'avant-cuirasse). Une fois la tourelle éclipsée, la toiture repose sur les voussoirs d'acier de l'avant-cuirasse scellées dans la dalle de béton du bloc.

Armes[modifier | modifier le code]

Elle était armée avec deux lance-bombes de 135 mm modèle 1932 en jumelage. Ce sont des pièces au tube très court (1,145 mètre), plus proche du Minenwerfer de la Première Guerre mondiale ou d'un mortier de gros calibre que d'un obusier classique. Cette pièce, dont la portée se situait entre 320 et 5 600 mètres, pouvait être pointé en hauteur de 9° à 45°[N 1]. Le tir des deux pièces était simultané, avec une cadence de tir allant jusqu'à 12 coups par minute.

Servants[modifier | modifier le code]

Une tourelle de 135 mm nécessite une équipe de vingt-et-un hommes pour son service complet en situation de combat : six sous-officiers et quinze servants (l'équipe de combat est composée de l'équipe de veille et de l'équipe de piquet). En situation de veille, l'équipe réduite compte quatre sous-officiers et dix servants (l'équipe de veille ne peut tirer qu'à cadence lente)[N 2].

L'équipe de combat se répartit à raison d'un sous-officier (brigadier tireur) et d'un servant (chargeur) dans la chambre de tir, quatre sous-officiers (un adjudant chef de tourelle, un maréchal des logis chef de pièces, un brigadier pointeur et un brigadier chef-artificier) et dix servants (un aide-pointeur, deux artificiers confectionnant les charges, trois auxiliaires qui amorcent et forment les cartouches, deux pourvoyeurs qui transportent les munitions, deux approvisionneurs qui mettent les cartouches dans les norias et deux auxiliaires qui réceptionnent les munitions dans le M 3) à l'étage intermédiaire, un sous-officier (brigadier) et deux servants (le premier s'occupe de la marche à bras du mouvement d'éclipse, le second des appareils électriques) à l'étage inférieur[2].

Équipements[modifier | modifier le code]

Les tirs sont dirigés depuis le poste central de tir du PC artillerie de l'ouvrage, tandis que le pointage se fait indirectement (il n'y a pas de lunette de tir à vue) depuis l'étage intermédiaire de la tourelle à partir des renseignements fournis au PC puis directement au bloc par les observatoires. La communication entre le PC de l'ouvrage et celui du bloc se fait par téléphone, celle entre le PC du bloc et la tourelle se fait par transmetteur d'ordres (système visuel copié sur celui de la marine), tandis que celle entre l'étage intermédiaire et la chambre de tir se fait par tuyau acoustique ou par transmetteur[N 3],[3].

L'alimentation en munitions se faisait à l'étage intermédiaire (où se trouve le magasin de munitions M 3, dont la dotation était de 600 coups de 135 mm[N 4],[4]) par un système automatique à barillet, tandis qu'une noria monte le projectile verticalement jusqu'à l'étage supérieur (chambre de tir de la tourelle), où le chargement se fait automatiquement.

Le refroidissement des tubes peut se faire par aspersion d'eau (250 litres d'eau sont prévus par jour, stockés dans des citernes situées à l'étage supérieur du bloc[N 5])[5]. L'évacuation des douilles se fait par un entonnoir les évacuant à l'étage intermédiaire où elles passent dans un toboggan qui les descend au pied du bloc (généralement à 30 m sous terre). L'évacuation des gaz dégagés par les armes se fait par refoulement à l'extérieur, les blocs étant en légèrement surpression[6].

Liste des tourelles[modifier | modifier le code]

Un total de 17 tourelles de 135 mm ont été livrées, sur le total de 152 tourelles tous modèles confondus que compte la Ligne, dont 16 pour le front du Nord-Est et une seule pour celui du Sud-Est (Alpes). Les commandes sont passées le (marché avec Châtillon-Commentry et Neuves-Maisons pour 10 tourelles) et le (avec Fives-Lille pour 7 tourelles)[7].

Secteur fortifié de la Crusnes
Ouvrages Numéro du bloc Numéro de tourelle
Bréhain 5 115
Secteur fortifié de Thionville
Ouvrages Numéros du bloc Numéros de tourelle
Rochonvillers 6 108
Rochonvillers 7 104
Molvange 4 102
Soetrich 4 114
Galgenberg 6 112
Métrich 11 103
Secteur fortifié de Boulay
Ouvrages Numéros du bloc Numéros de tourelle
Hackenberg 6 107
Hackenberg 9 109
Michelsberg 6 106
Anzeling 5 101
Secteur fortifié de Rohrbach
Ouvrages Numéros du bloc Numéros de tourelle
Simserhof 7 105
Schiesseck 8 116
Secteur fortifié des Vosges
Ouvrages Numéro du bloc Numéro de tourelle
Four-à-Chaux 1 117
Secteur fortifié de Haguenau
Ouvrages Numéros du bloc Numéros de tourelle
Hochwald 1 111
Hochwald 14 113
Secteur fortifié des Alpes-Maritimes
Ouvrages Numéro du bloc Numéro de tourelle
Monte-Grosso 6 110

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Les munitions employées sont de deux types, soit d'une part l'obus A de 135 mm modèle 1930 à fusée mdl 1918 RYG pesant 19 kilogrammes pour un poids d'explosif de 5,495 kg, soit d'autre part l'obus AO de 135 mm à fausse ogive et fusée mdl 1921 RYG pesant 17 kg pour un poids d'explosif de 4,575 kg.
  2. L'équipage d'un bloc d'artillerie est divisé en trois équipes : l'équipe de veille, l'équipe de piquet et l'équipe de repos. Le bloc est occupé par deux équipes tandis que la troisième est au repos dans la caserne de l'ouvrage pour 24 heures. L'équipe de veille est en permanence aux postes de combat, l'équipe de piquet s'occupe des corvées ou se repose en dehors des alertes.
  3. Transmetteur d'ordres modèle 1937 C (Carpentier) entre le PC du bloc et la tourelle, transmetteur téleflex (plus compact) entre l'étage intermédiaire et la chambre de tir.
  4. La dotation en munitions de chaque pièce était de 2 000 coups par pièce, soit 900 dans le M 1, 800 dans le M 2 et 300 dans le M 3.
  5. Ces citernes sont alimentées par les eaux de ruissellement canalisées par des drains. En cas d'insuffisance, des wagonnets-citerne munis d'une pompe peuvent ravitailler les blocs en manque.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 2, Paris, éditions Histoire & collections, coll. « L'Encyclopédie de l'Armée française », , 222 p. (ISBN 2-908182-97-1), p. 72.
  2. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 3, Paris, éditions Histoire & collections, coll. « L'Encyclopédie de l'Armée française », , 246 p. (ISBN 2-913903-88-6), p. 10-15.
  3. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 2, p. 125-126.
  4. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 2, p. 34.
  5. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 2, p. 40.
  6. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 2, p. 86 et 117.
  7. Jean-Yves Mary et Alain Hohnadel, op. cit., t. 2, p. 103.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Philippe Truttmann (ill. Frédéric Lisch), La Muraille de France ou la ligne Maginot : la fortification française de 1940, sa place dans l'évolution des systèmes fortifiés d'Europe occidentale de 1880 à 1945, Thionville, Éditions G. Klopp, (réimpr. 2009), 447 p. (ISBN 2-911992-61-X).
  • Jean-Yves Mary, Alain Hohnadel, Jacques Sicard et François Vauviller (ill. Pierre-Albert Leroux), Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 1, Paris, éditions Histoire & collections, coll. « L'Encyclopédie de l'Armée française » (no 2), (réimpr. 2001 et 2005), 182 p. (ISBN 2-908182-88-2).
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 2 : Les formes techniques de la fortification Nord-Est, Paris, Histoire et collections, , 222 p. (ISBN 2-908182-97-1).
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 3 : Le destin tragique de la ligne Maginot, Paris, Histoire et collections, , 246 p. (ISBN 2-913903-88-6).
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 4 : la fortification alpine, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-915239-46-1).
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 5 : Tous les ouvrages du Sud-Est, victoire dans les Alpes, la Corse, la ligne Mareth, la reconquête, le destin, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-35250-127-5).

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

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