Suzanne Césaire

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Suzanne Césaire
une illustration sous licence libre serait bienvenue
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 50 ans)
YvelinesVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
Conjoint
Enfant
Autres informations
Mouvements
Négritude, Afro-Surrealism (en), surréalismeVoir et modifier les données sur Wikidata

Suzanne Roussi, dite Suzanne Césaire, née le au lieu-dit Poterie aux Trois-Îlets en Martinique et morte le dans les Yvelines, est une écrivaine martiniquaise.

Elle est l'épouse d'Aimé Césaire et la mère d'Ina Césaire.

Biographie[modifier | modifier le code]

Suzanne Roussi est née en août 1915 en Martinique[1], fille d'une institutrice, Flore William, et d'un employé d'usine sucrière, Benoit Roussi[2]. Suzanne est étudiante à l'École normale supérieure, en 1936, quand Léopold Sédar Senghor lui présente Aimé Césaire[3][4]. Ils se marient le 10 juillet 1937. Ils auront six enfants. En 1938, à la fin de ses études, elle retourne en Martinique et enseigne au lycée Victor-Schœlcher à Fort-de-France.

Elle est cofondatrice, en 1941, avec son mari et René Ménil, de la revue Tropiques. En rétention administrative en Martinique, avant d'être autorisé à rejoindre les États-Unis, André Breton découvre cette revue, prend aussitôt contact avec leurs fondateurs et se lie d'amitié avec eux (avril-juillet 1941)[5]. Suzanne Césaire publie sept articles dans la revue entre 1941 et 1945 et a la charge de son impression[4], son rôle dans le succès de Tropiques est autant intellectuel qu'administratif[6]. La revue est reconnue comme ayant été la plus influente revue littéraire des Antilles[4]. Lorsqu’en 1943, les autorités de Vichy veulent interdire Tropiques, c'est Suzanne Césaire qui rédige une réponse au lieutenant de vaisseau Bayle, signée par les membres du comité éditorial, revendiquant et précisant les valeurs défendues par la revue[7],[8].

Le , elle obtient l’autorisation du gouverneur Georges Louis Ponton pour accompagner son époux Aimé Césaire en Haïti où il est amené à participer au congrès philosophique d’Haïti. L’année précédente, le , Henri Seyrig, membre de la délégation de la France Libre aux États-Unis l’année précédente, avait adressé au gouverneur une proposition pour sa venue à la suite de la « réputation » dont jouissait déjà Aimé Césaire ainsi qu’il avait pu le constater lui-même. C’est ainsi que le , Suzanne Roussi Césaire, professeure contractuelle à l’enseignement technique de la colonie, s’envole pour Haïti[9].

Après-guerre[modifier | modifier le code]

En 1945, les Césaire s'installent au Petit-Clamart (aujourd'hui dans les Hauts-de-Seine), puis retournent en Martinique en 1949. Aimé Césaire démissionne alors du Parti communiste français. En 1952, Suzanne Césaire écrit une pièce de théâtre, Youma, aurore de la liberté (dont le texte est perdu)[10],[8], et revient en France où elle enseigne en tant que professeur de Lettres au collège Étienne, à Sèvres, puis au lycée technique de la même commune. Féministe engagée, elle participe à l'Union des femmes françaises[4]. Elle se sépare d'Aimé Césaire en avril 1963[5],[3]. Elle meurt d'un cancer du cerveau.

Œuvre[modifier | modifier le code]

Son œuvre se compose des sept articles qu’elle a publiés dans la revue Tropiques (repris dans Césaire 2009) ainsi que d’une pièce de théâtre[11] :

  • Leo Frobenius et le problème des civilisations,
  • Alain et l'esthétique,
  • André Breton, poète,
  • Misère d'une poésie,
  • Malaise d'une civilisation,
  • 1943 : le surréalisme et nous,
  • Le Grand camouflage, 1945
  • Aurore de la liberté, 1952, pièce de théâtre, adaptation libre de la nouvelle Youma de Lafcadio Hearn (texte perdu)

Le travail de Suzanne Césaire durant la première année de Tropiques fait l'éloge de ses inspirations européennes, comme l'ethnologue allemand Leo Frobenius, le philosophe Alain ou encore André Breton ainsi que de leur rôle potentiel en Martinique. Suzanne Césaire a ainsi dressé le portrait complexe de l'identité carribéenne face à la tradition littéraire européenne[12].

Pensée du divers[modifier | modifier le code]

Suzanne Césaire est une pionnière de la pensée du Divers. Selon la linguiste caribéaniste Corinne Mencé-Caster, la pensée du Divers se caractérise par le rejet de l'universalisme occidental et la prise en compte des cultures singulières, ce qui est peut aussi être nommée par universalismes particuliers[13].

Influence[modifier | modifier le code]

La professeure d'études féministes Annette K. Joseph-Gabriel soutient que les travaux de Suzanne Césaire ont constitué une base importante pour la littérature anti-impérialiste carribéenne qui l'a suivie et pour l'activité politique associée. Bien qu'elle n'ait publié que relativement peu d'essais, la longévité de son influence peut être mesurée par les lettres personnelles et les hommages de ses étudiants haïtiens. Son œuvre a célébré les influences multiethniques et multiculturelles qui ont formé l'identité culturelle carribéenne de son temps. Bien qu'elle fut critiquée pour son appropriation de certains stéréotypes, elle les utilisa dans ses travaux pour pousser à la fois le colon et le colonisé à réexaminer leurs perceptions de l'ethnicité[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Suzanne Césaire », sur Île en île.
  2. Bounoure 2010, p. 127.
  3. a et b Curtius 2020.
  4. a b c et d « Suzanne Roussi-Césaire » Accès libre, sur AZMartinique (consulté le )
  5. a et b Natalie Levisalles, « Suzanne l’aimée de Césaire », sur Libération, (consulté le ).
  6. Bounoure 2010.
  7. Curtius 2020, L’affaire du lieutenant de vaisseau Bayle et la réponse de Suzanne Césaire, p. 38 sqq.
  8. a et b Lee 2020.
  9. Louise-Alexandrine, Marcel Jean-Claude. « Les Sources de l’histoire littéraire Antillo-Guyanaise : Inventaire archivistique et bibliographique en Martinique (1750-1990) ». Thèse, Antilles-Guyane, 2002. http://www.theses.fr/2002AGUY0591, T. II, p. 484-486.
  10. Curtius 2020, Aurore de la liberté, p. 60 sqq.
  11. Curtius 2020, Avant propos, p. 15.
  12. (en) Kara M. Rabbitt, « Suzanne Césaire's Significance for the Forging of a New Caribbean Literature », The French Review, vol. 79, no 3,‎ févrirer 2006, p. 538-548 (JSTOR 25480281, lire en ligne Accès limité [PDF])
  13. Autour de Suzanne Césaire: manifestes cannibales, ou, comment repenser les Antilles avec sa plume, Traverse(s), coll. « "Essais" », (ISBN 978-2-494521-00-1)
  14. (en) Annette K. Joseph-Gabriel, « Beyond the Great Camouflage: Haiti in Suzanne Césaire's Politics and Poetics of Liberation », Small Axe,‎ , p. 1-13 (DOI 10.1215/07990537-3626716, lire en ligne Accès limité)

Annexes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Suzanne Césaire (édition établie par Daniel Maximin), Le grand camouflage : Écrits de dissidence (1941-1945), Paris, Le Seuil, (ISBN 978-2-02-099908-3)
  • Georgiana Colvile, Scandaleusement d'elles : trente-quatre femmes surréalistes, J.-M. Place, (ISBN 2-85893-496-7), p. 74-81
  • Anny Dominique Curtius, « Tropiques : Le dialogue créole écopoétique d’Aimé et Suzanne Césaire », Présence Africaine, vol. N° 189, no 1,‎ , p. 141–151 (DOI 10.3917/presa.189.0141, lire en ligne)
  • Anny Dominique Curtius, « Suzanne Césaire et la Tropiques -poétique du morne : de Tropiques aux patrimoines immatériels des nœuds de mémoire », Revue de littérature comparée, vol. 364, no 4,‎ (DOI 10.3917/rlc.364.0404)
  • Anny-Dominique Curtius, Suzanne Césaire : archéologie littéraire et artistique d'une mémoire empêchée, Karthala, (ISBN 978-2-8111-2794-7, lire en ligne)Carminella Biondi, « Anny-Dominique Curtius, Suzanne Césaire. Archéologie littéraire et artistique d’une mémoire empêchée », Studi Francesi. Rivista quadrimestrale fondata da Franco Simone, no 197,‎ (DOI 10.4000/studifrancesi.50479)
  • Vanessa Lee, « (In)soumise à la censure : l’activisme littéraire et politique de Suzanne Roussi-Césaire », Transtext(e)s Transcultures 跨文本跨文化. Journal of Global Cultural Studies, no 15,‎ (DOI 10.4000/transtexts.1518, lire en ligne)
  • (en) Kara M. Rabbitt, « The Geography of Identity in Suzanne Césaire's "Le grand camouflage" », Research in African Literatures, vol. 39, no 3,‎ , p. 121–131 (ISSN 0034-5210, lire en ligne)
  • (en) Kara M. Rabbitt, « Suzanne Césaire’s surrealism: Tightrope of hope », dans Surrealist women’s writing, Manchester University Press, (ISBN 978-1-5261-3203-1, DOI 10.7765/9781526132031.00011, lire en ligne)
  • (en) Penelope Rosemont (en), Surrealist Women (en) : an international anthology, University of Texas Press, (ISBN 0-292-77088-X, lire en ligne)
  • Gabrielle Saïd, « Suzanne Césaire, la poésie en partage », sur DIACRITIK,
  • Gilles Bounoure, « Suzanne Césaire et la question de la civilisation », ContreTemps, no 6,‎ (lire en ligne Accès libre [PDF])
  • (en) Michael Richardson, The Refusal of the Shadow: Surrealism and the Caribbean, Verso,

Liens externes[modifier | modifier le code]