Simulation des grandes structures de la turbulence

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Simulation d'un jet gazeux par la méthode SGS.

La simulation des grandes structures de la turbulence (SGS ou en anglais LES pour Large Eddy Simulation) est une méthode utilisée en modélisation de la turbulence. Elle consiste à filtrer les petites échelles qui sont modélisées et en calculant directement les grandes échelles de la cascade turbulente.

Cette méthode a été introduite par Joseph Smagorinsky en 1963[1],[2] et utilisée pour la première fois par James W. Deardoff en 1970[3]. Elle permet de calculer un écoulement turbulent en capturant les grandes échelles pour un coût raisonnable. Le milieu aux petites échelles étant raisonnablement supposé isotrope peut être décrit par une méthode simple. Les problèmes de couche limite[4], de flamme de diffusion[5] ou problèmes diphasiques[6] requièrent des modèles adaptés.

Filtrage des équations de Navier-Stokes[modifier | modifier le code]

La première étape du processus consiste à définir un filtre passe-bas G pour la vitesse u par l'intermédiaire du produit de convolution[7]. On traite ici d'un filtre spatial mais il est possible d'utiliser des filtres spatio-temporels[8].

Le filtre est normalisé

Ce n'est pas un projecteur : .

Cet opérateur commute avec la dérivée en temps mais ne commute avec la dérivée en espace que si G est le même en tout point.

On traite ci-dessous les équations de Navier-Stokes dans un fluide incompressible. On écrit la vitesse sous la forme de la somme de la valeur filtrée et d'une perturbation de petite échelle, laquelle n'a la signification d'une fluctuation temporelle comme dans la moyenne de Reynolds

Dans les équations de Navier-Stokes dans un fluide incompressible on peut alors écrire les équations de Navier-Stokes filtrées

où ρ est la masse volumique, p la pression et

 le tenseur des déformations
  le tenseur des contraintes visqueuses

μ est la viscosité dynamique et tij est le tenseur introduit par Anthony Leonard[9]

On remarquera que si G était l'opérateur moyenne de Reynolds les quatre premiers termes s'annuleraient. Par ailleurs si tij respecte l'invariance galiléenne, ce n'est pas vrai pour chacun des termes qui le composent[10].

Filtrage de l'énergie cinétique turbulente[modifier | modifier le code]

L'énergie cinétique filtrée est

où kf est l'énergie cinétique correspondant à la vitesse filtrée. On obtient une équation de transport en multipliant l'équation de quantité de mouvement filtrée par

avec

  taux de dissipation visqueuse de la vitesse filtrée (petit si la coupure est faite dans la région inertielle du spectre turbulent)
  « taux de dissipation » de la vitesse dans la maille (en fait un terme inertiel pouvant être négatif)

Π représente l'énergie transférée des grandes vers les petites échelles.

Exemple de filtres utilisés[modifier | modifier le code]

Champ de vitesse calculé par simulation directe dans un cube L3
Le même écoulement calculé par SGS avec  Δ = L / 32

Diverses méthodes sont utilisables[7],[8]. L'exemple le plus simple est le filtre « chapeau » (en anglais top hat) basé sur une longueur Δ de l'ordre de la taille de maille

Cela correspond à un filtre coupant les longueurs d'onde λ telles que

Un autre fltre couramment utilisé est le filtre gaussien

Fermeture du problème[modifier | modifier le code]

Pour fermer le problème il faut définir une approximation dans la maille, par exemple du type longueur de mélange

où Cs ~ 0.1 est une constante de modélisation parfois nommée constante de Smagorinsky. Elle est liée à la constante de Kolmogorov[11].

D'où la viscosité turbulente

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) J. S. Smagorinsky, « General Circulation Experiments with the Primitive Equations: I. The basic Experiment », Monthly Weather Revue, vol. 91, no 3,‎ , p. 99-164 (lire en ligne)
  2. (en) J. Smagorinsky, « General Circulation Experiments with the Primitive Equations: I. The basic Experiment », Monthly Weather Review, vol. 91, no 3,‎ , p. 99–164 (ISSN 1520-0493 et 0027-0644, DOI 10.1175/1520-0493(1963)091<0099:GCEWTP>2.3.CO;2, lire en ligne, consulté le )
  3. James Deardorff, « A Numerical Study of Three-dimensional Turbulent Channel Flow at Large Reynolds Numbers », Journal of Fluid Mechanics, vol. 41, no 2,‎ , p. 453–480
  4. Ugo Piomelli et Elias Balaras, « Wall-layer Models for Large-Eddy Simulations », Annual Review of Fluid Mechanics, vol. 34,‎
  5. Heinz Pitsch, « Large-Eddy Simulation of Turbulent Combustion », Annual Review of Fluid Mechanics, vol. 38,‎ , p. 453–482
  6. R. O. Fox, « Large-eddy-simulation Tools for Multiphase Flows », Annual Review of Fluid Mechanics, vol. 44,‎ , p. 47–76
  7. a et b (en) S. B. Pope, Turbulent Flows, Cambridge University Press,
  8. a et b (en) P. Sagaut, Large Eddy Simulation for Incompressible Flows : An Introduction, Springer-Verlag, , 556 p. (ISBN 978-3-540-26344-9, lire en ligne)
  9. (en) A. Leonard, « Energy Cascade in Large-Eddy Simulations of Turbulent Fluid Flows », Advances in Geophysics, vol. A 18,‎ , p. 237–248
  10. (en) M. Germano, « A Proposal for a Redefinition of the Turbulent Stresses in the Filtered Navier-Stokes Equations », Physics of Fluids, vol. 29, no 7,‎ , p. 2323–2324
  11. (en) Christophe Bailly et Geneviève Comte-Bellot, Turbulence, Springer, (ISBN 978-3-319-16159-4)