Préférence régionale

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La préférence régionale est une expression désignant la volonté politique de favoriser ou de rendre exclusive l'embauche des habitants d'une région, qui sont souvent défavorisée par une position insulaire, ou de créer des aides financières qui leur soient réservées. Son utilisation peut avoir une connotation parfois positive, notamment sur l'île de La Réunion, mais elle est plus souvent négative.

L'expression désigne également les accords favorisant les échanges entre un groupe de pays d'une même aire géographique, par rapport aux autres parties du monde[1]. Dans ce sens, elle peut être rapprochée de l'expression « préférence communautaire », employée au sujet de l'Union européenne.

Elle est souvent employée dans un sens péjoratif, par assimilation avec la préférence nationale prônée par le Front national, par des mouvements politiques jugés « souverainistes » et « antirégionalistes », comme le Mouvement des citoyens, des associations comme le Comité Laïcité République ou les opposants à la Charte européenne des Langues, qui lui reprochent de déroger aux principes d'égalité de la République par son caractère « discriminatoire ». Ce terme est notamment utilisé dans un but polémique pour qualifier certaines mesures politiques régionales visant à réduire localement le chômage pour les déconsidérer en assimilant certaines dispositions à des pratiques d'exclusion.

De nombreux médias français, nationaux ou régionaux, en font également usage, que ce soit dans un sens positif ou négatif[2].

Un principe reconnu par la constitution[modifier | modifier le code]

L'article 74 de la constitution reconnaît le droit aux collectivités territoriales d'outre-mer dotées d'autonomie (COM-DA) de pratiquer la préférence régionale[3]. Ce principe a été introduit à titre exceptionnel en Nouvelle-Calédonie en 1998, puis étendu à la Polynésie française en 2004 et à Saint-Barthélemy en 2007[4].

Exemples d'utilisation[modifier | modifier le code]

  • Créé en 1969 à Lisieux, le groupe régionaliste normand Mouvement normand s'affirme « favorable, autant que faire se peut, à la préférence régionale et nationale, notamment en matière de flux de populations et d'emplois », ainsi qu'à la préférence communautaire au niveau européen[5].
  • En 2003, la CFDT note que, dans les années 80, en France, le système de l'emploi est passé de la préférence locale « à une préférence régionale puis subrepticement à une préférence nationale, étant entendu que l’appartenance nationale se distribue sur des critères de légitimité sociale et non juridique »[6].
  • En 2003, le gouvernement Raffarin délocalise le siège du CNDP à Chasseneuil-du-Poitou, fief du premier ministre, décision qualifiée par les syndicats de « préférence régionale de la camarilla Poitevine » et de « rapt d’emplois publics » à des fins politiciennes[7].
  • En 2004, le bureau national du Comité Laïcité République a publié un communiqué intitulé : « De la préférence régionale au fascisme »[8].
  • En campagne pour l'élection présidentielle 2007, Ségolène Royal a défendu la préférence régionale lors de son passage à La Réunion, le dimanche , et affirme qu'elle envisage d'étudier la façon de régionaliser les concours administratifs. Déjà, lors de sa visite dans l'île, en , elle avait insisté sur « l’effort » à faire « pour un recrutement local »[9].
  • De son côté, interrogée sur la préférence régionale lors de son séjour dans l'île en , Dominique Voynet s'est prononcée en faveur de mesures favorisant « l’emploi des personnes qui vivent sur l’île et qui sont au chômage », tout en refusant l'utilisation de l'expression, « devenue familière à La Réunion », mais trop proche de « la "préférence nationale" de l’extrême droite »[10].

Exemples de pratique[modifier | modifier le code]

  • En Corse, depuis 1989, un dispositif assure le maintien des professeurs sur l'île dès la première année de titularisation ou, à défaut (à la suite d'un mouvement de protestation de jeunes titularisés envoyés sur le continent en 2004), au bout de trois années sur le continent[11]. De même, en 2004, un syndicat de travailleurs corses a signé avec la direction de la SNCM un accord favorisant le recrutement préférentiel d'insulaires. Ces mesures, défendues par les organisations nationalistes corses au nom de la « corsisation » des emplois ont amené divers partis politiques et médias français à parler de « préférence nationale »[12],[13].
  • A La Réunion, plusieurs collectifs se mobilisent contre la discrimination à l'embauche des réunionnais, et pour le recrutement local des personnes qualifiées. Cette mobilisation peut être syndicale, comme le cas de la grève de 2004 à France Télécom contre l'embauche par "copinage" [16], ou associative : AJFER [17], ou politique, comme pour l'élue PS Ericka Bareigts [18]. Le , le Premier Ministre Jean-Marc AYRAULT nomme le Député PS de la Réunion, Patrick LEBRETON, en mission auprès du ministre de l'outre-mer pour « travailler à la régionalisation de l’emploi, dans les secteurs tant public que privé.» [19]

Exemple de critique[modifier | modifier le code]

Le Collectif de Liaison et d'Information sur le communautarisme rejette la « préférence régionale ». Dans un entretien accordé à Juris Journal (organe de l'UNI, Union nationale inter-universitaire) en 2004, Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit, l'assimile à la « préférence nationale » et condamne les mesures de « préférence locale » autorisées par la loi dans les collectivités d'Outre-mer[20].

Exemples hors de France[modifier | modifier le code]

  • En , le règlement n° 4/99/UEAC-CM-639 portant réglementation des pratiques étatiques affectant le commerce entre les États membres de l'Union Économique de l'Afrique Centrale (UEAC) reconnaît, au titre IV (De la mise en concurrence et de la publicité des marchés publics), article 12, le droit de pratiquer la « préférence régionale » pour les marchés des travaux, de services et de fournitures dans une fourchette de 0 à 20 % dans les deux premiers cas et de 0 à 30 % dans le dernier. « Chaque État fixe librement ses taux de préférence à l’intérieur des fourchettes ci-dessus. Cette préférence s’étend aux sous-traitants originaires des États membres. »[21].
  • En 2005, à Tamanrasset, dans le sud de l'Algérie, les jeunes, confrontés à la « mal-vie », au « chômage » et à une distribution jugée contestable des logements, contestent le fait que les entreprises installées dans la région emploient essentiellement du personnel venu du nord du pays. La résolution du conflit pose au gouvernement algérien un double problème : celui de la compétence de ces jeunes et celui de la « préférence régionale »[22].
  • Lors de l'assemblée parlementaire paritaire réunie Vienne le , le Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs Agricoles de l'Afrique de l'Ouest (ROPPA), l'East African Farmer's Federation (EAFF) et la Windward Island Farmers Association (WINFA), représentant respectivement les agriculteurs des pays ACP d'Afrique de l'Ouest, d'Afrique de l'Est et des Caraïbes, demandent que la libération des échanges entre les régions ACP et l'Union européenne s’appuie notamment « sur la protection des espaces régionaux par la mise en œuvre de politiques de "préférence régionale" »[23].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Lien externe[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Voir, par exemple, la présentation de Robert Devlin et Michel Fouquin, Économie internationale, 2003, p 9-16, « Les accords de libéralisation commerciale : l'Amérique latine et les Caraïbes ».
  2. Voir, par exemple :
  3. Voir :
    • le texte de la constitution de la Ve République.
    • l'avis du député Jérôme Bignon sur la loi de finance 2005 sur les collectivités d'Outre-mer à statut particulier.
  4. Voir :
    • André Oraison, « La "préférence régionale" Outre-mer », Témoignages, édition du lundi 21 mars 2005.
    • Discours de Jacques Gillot, sénateur de la Guadeloupe, à propos du projet de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'Outre-mer.
    • loi organique n°2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, JO n°45, jeudi 22 février 2007. La collectivité territoriale est compétente sur l'« accès au travail des étrangers ».
  5. Pourquoi le Mouvement Normand? D'où vient le Mouvement Normand?
  6. « Discriminations raciales, un problème de société », revue de la CFDT, mai-juin 2003.
  7. L'Humanité, « Délocalisation. Le pompage clientéliste de Raffarin. Le CNDP résiste. ».
  8. texte du communiqué du Comité Laïcité République de Paris.
  9. Voir :
  10. Voir « Dominique Voynet : "Écologie rime avec création d’emplois..." », Clicanoo, journal de l'île de la Réunion, 21 février 2007.
  11. « L'autre affaire de "corsisation" des emplois », de la Revue républicaine.
  12. Marianne Lefevre (géographe, maître de conférences à l'université de Perpignan), « Langue, terre et territoire en Corse », Hérodote, n°105, février 2002, 204 pages, p. 38-59.
  13. « En Corse, le projet controversé d’une charte pour l’emploi instaurant une préférence locale », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  14. Voir A. Kerloc’h et Renaud Marhic, « Bretagne. Et maintenant la préférence nationale… Des aides réservées aux natifs : la Région Bretagne, dirigée par un RPR, lustre le poil des nationalistes. », Charlie Hebdo, n° 361, 19 mai 1999. D'après les auteurs, il s'agissait de « chèques projets » et de « chèques formation ».
  15. Voir la section Loire-Atlantique de l'Union rationaliste
  16. « Le préavis de grève est levé à France Télécom. Le "copinage" doit laisser la place à la "préférence régionale" », article du journal réunionnais Témoignages, édition du mardi 10 août 2004.
  17. Site de L’Alliance des Jeunes pour la Formation et l’Emploi à La Réunion (AJFER)
  18. Ericka Bareigts (PS) : "Il faut privilégier la préférence à l'embauche régionale"
  19. Compte-rendu de la délégation à l'outre-mer à l'Assemblée Nationale du Mercredi 22 mai 2013
  20. « Le communautarisme menace-t-il la France ? Entretien avec le Professeur Anne-Marie le Pourhiet et le CLIC », Juris Journal, le journal des étudiants en droit et sciences-po, numéro 2, trimestriel, janvier 2004, p. 3-5, entretien avec Anne-Marie le Pourhiet, professeur de droit à l’université Rennes 1, membre du laboratoire de droit public, spécialiste du droit constitutionnel.
  21. Voir les bulletins officiels de la CEMAC
  22. « Émeutes à Tamanrasset... Comment une manifestation pacifique vire au saccage », Le Quotidien d'Oran, 13 juillet 2005.
  23. « Accords de Partenariat Economiques : les Agriculteurs vous parlent »
  24. 5. Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. 16. La France forme avec les peuples d'outre-mer une Union fondée sur l'égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion.