Pavillon des sociétés savantes

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Pavillon des sociétés savantes
Façade principale
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Ville de Caen (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Patrimonialité
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Pays
Commune
Adresse
2, rue Daniel-HuetVoir et modifier les données sur Wikidata
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Le pavillon des sociétés savantes, également appelé par le passé « Pavillon de la foire » ou « Musée Langlois », est un bâtiment construit à Caen au XVIIIe siècle, à l'origine pour abriter les échevins de la ville lors des foires.

La totalité de l'édifice fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis le [1].

Histoire[modifier | modifier le code]

XVIIIe siècle : Pavillon de la foire[modifier | modifier le code]

La foire franche de Caen est créée en par Henri IV en remerciement de la fidélité de la ville pendant les troubles de la Ligue. La nouvelle foire de Caen se développe rapidement et concurrence celle de Guibray, pourtant beaucoup plus ancienne[2]. Au XVIIIe siècle, alors que les autres foires françaises s'essoufflent, elle devient l'une des principales foires du royaume[3].

Afin d'accueillir les commerçants et les équipements nécessaires à la bonne tenue de la foire, la ville de Caen achète en 1595 un terrain appartenant au couvent des Jacobins. Ce pré, appelé Champ-de-la-Cercle ou simplement la Cercle, était situé hors les murs dans une boucle formée par la confluence du Canal Robert et d'un bras de l'Orne, la Noë. Un bastion est aménagé à cet emplacement entre 1616 et 1620, la foire occupant l'espace central remblayé[4]. Entre 1600 et 1635, le terrain, qui prend alors le nom de Champs-de-foire, est fieffé à des particuliers. Ils y aménagent une foire à loge constituée de bâtiments permanents et éphémères disposés selon un quadrillage régulier[5]. En dehors de cette période d'activités commerciales qui dure quinze jours par an, ces loges servent régulièrement de cantonnement pour les troupes de passage[6]. Ainsi entre 1789 et 1791, une partie du régiment d'Aunis y est logée ; les soldats se plaignent d'ailleurs de l’inconfort des bâtiments[7].

Il est possible qu'un premier bâtiment officiel ait été bâti dans ce nouveau quartier afin d'abriter les séances des échevins qui, en tant que juges de la foire, en assuraient la police. Il est ainsi fait référence en 1691 à un repas en l'honneur de Monsieur de Matigon, de l'évêque et de l'intendant organisé « au Pavillon de la foire[8] ». Tout au long du XVIIIe siècle, il est fait référence à d'autres cérémonies du même genre organisées dans le Pavillon de la foire[9]. Toutefois l'édifice actuel ne semble avoir été construit qu'à la fin du XVIIIe siècle, peut-être sous le règne de Louis XVI[10].

XIXe – XXe siècles : Pavillon des sociétés savantes et musée Langlois[modifier | modifier le code]

Au XIXe siècle, la foire est transférée sur le Grand Cours (actuel cours Kœnig). Le Pavillon sert alors de lieu de réunions pour les différentes sociétés savantes de la ville (Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen, Société d'agriculture et de commerce de Caen, Société linnéenne de Normandie, société des beaux-arts de Caen, etc)[11]. C'est à cette époque que le bâtiment prend le nom qu'on lui connait aujourd'hui. Jusqu'en 1854, date de son installation dans l'ancien collège du Mont, la Société des antiquaires de Normandie se réunissait également dans le Pavillon où de nombreux objets d’intérêt archéologique étaient entreposés, le transformant ainsi en « cabinet » ou « muséum des antiquités »[12] ; Arcisse de Caumont y donnait également ses cours monumentaux, dispensés pour la première fois en 1830[13].

À proximité du pavillon, le quartier de la foire se dégrade et devient un secteur insalubre décrit comme un « cloaque hideux » régulièrement inondé et où se dressent de « vieilles constructions, noires, inhabitées pendant la plus grande partie de l'année[14] ». Sous le mandat de François-Gabriel Bertrand, il est décidé de réaménager ce secteur. En 1861, la ville de Caen reçoit l'autorisation de contracter un prêt en vue de financer les expropriations de ces habitations[15]. Ces dernières – « logettes, obscures, humides, placées dans des rues étroites et malsaines, [qui] ont été depuis longtemps abandonnées par le commerce[16] » – sont rasées et de nouvelles rues sont tracées afin de former un « quartier nouveau, déblayé de ses anciennes constructions et symétriquement percé[17] » ; le long de ces axes, sont construits des équipements publics (rue Daniel Huet) et des maisons bourgeoises (cours Sadi-Carnot). L'ancien Pavillon de la foire est le seul bâtiment à avoir été conservé et demeure donc le dernier vestige de l'ancienne activité commerciale de ce quartier.

En 1888, le Pavillon est réaménagé aux frais de la nièce du colonel Langlois afin d'accueillir les toiles de son oncle, léguées au musée des beaux-arts de Caen quinze ans plus tôt[18]. Pour permettre d'exposer les tableaux de grandes dimensions, le plancher du premier étage est alors démoli afin d'exhausser le plafond du rez-de-chaussée[10]. Pendant la bataille de Caen, le bâtiment est endommagé et la moitié des collections du musée Langlois est détruite[18]. Le Pavillon des sociétés savantes est restauré et le plancher de l'étage supérieur est rétabli à son niveau d'origine. La salle du premier étage sert un temps de lieu de concerts pour les élèves du Conservatoire. Depuis 1976, le rez-de-chaussée est partagé entre le service de la circulation et l'Éducation nationale qui s'en sert comme annexe du collège René Lemière[10]. Au début des années 2000, il est prévu que le bâtiment, aujourd'hui inoccupé, soit réaménagé afin d'y exposer une collection d'œuvres d'art contemporaines rassemblées par Jacques Pasquier, plasticien caennais[19] ; mais le projet ne se réalise pas[20].

Architecture[modifier | modifier le code]

Insertion urbaine

Le Pavillon est construit sur un plan en L orienté vers le nord, l'aile principale étant parallèle au Canal Robert tandis que l'aile en retour donnait à l'origine sur la Noë. Les deux ailes sont constituées d'un étage noble reposant sur un niveau de soubassement. Il est possible que le bâtiment n'ait pas été achevé[11] et qu'une deuxième aile en retour, prévue à l'origine pour former un U, n'ait pas été construite. L'espace dégagé devant l'aile principale forme une petite cour. Une des principales voies de la foire était perpendiculaire à l'aile principale, offrant ainsi une perspective depuis la courette du Pavillon. Le Pavillon était entouré par un jardin logé dans la bouche formée par la confluence des deux rivières. L'ensemble était bordé au sud par un vaste terrain non construit[21], l'ancien bastion de la foire construit entre 1595 et 1620[22],[4]. Au XVIIIe siècle, deux projets municipaux prévoient d’araser les loges pour y installer un parc à la française ou un corps de garde. Ces deux projets restent sans suite. L’enceinte du fort des Jésuites, la courtine et l’enceinte du fort des jacobins sont finalement détruites en 1797[23].

Mais l'environnement du Pavillon a été profondément modifié par les travaux d'urbanisme commencés au milieu du XIXe siècle. Les rues créées à cette époque ne reprennent que partiellement le réseau viaire ancien. Ainsi la perspective depuis la courette du Pavillon a disparu et le bâtiment s'est trouvé « écrasé par le voisinage d'une Gendarmerie colossale[24] » ; cet édifice, haut de trois niveaux et surmontés de mansardes, a été détruit en 1944, mais il a été remplacé par le Centre administratif départemental, bâtiment de six étages construit en 1948 par Marc Brillaud de Laujardière[25].

Au début des années 1860, l'établissement des Bains et lavoirs publics, société anonyme créée par décret du [26], est construit sur le terrain au sud du Pavillon ; également détruit en 1944, ce bâtiment a été remplacé par le nouveau bâtiment de la Gendarmerie nationale. En 1862, la Noë est recouverte et une place est aménagée au nord du Pavillon des sociétés savantes dans le prolongement de la place de la Préfecture (actuelle place Gambetta)[27] ; puis un groupe scolaire, inauguré en 1914, est construit sur cette place[28]. Depuis le début du XXe siècle, le Pavillon est donc enserré de trois côtés par un ensemble de bâtiments et il ne reste aucune trace du jardin qui l'entourait à l'origine.

Façades sur cour

La façade sur cour de l'aile principale est fortement marquée par la symétrie caractéristique de l'architecture classique. Le décor est sobre et s'inspire des canons grecs et romains de l'Antiquité. La travée centrale, encadrée de deux pilastres surmontées de chapiteaux ioniques, est percée d'une seule baie rectangulaire, tandis que les deux travées latérales sont ouvertes chacune par deux ouvertures également rectangulaires. Cette travée centrale a peut-être été modifiée au XIXe siècle afin d'aménager l'accès au Musée Langlois depuis le rez-de-chaussée ; celui-ci est toujours signalé aujourd'hui par une plaque en marbre surmontant la porte. Dans la partie supérieure de l'étage noble, une frise ornée d'un motif en clé grecque, symbole de l'Infini, court le long de la façade principale et sur celle de l'aile en retour. Dans la travée centrale, elle est interrompue et un entablement nu, surmonté d'un fronton surbaissé en saillie, la remplace. La partie supérieure de l'entablement et l'intérieur du fronton sont soulignés par un cordon à dés ; l'ensemble de ces denticules forme ainsi un triangle légèrement décalé vers le bas par rapport au fronton. Une allégorie vient orner ce fronton ; selon Jacques Pougheol, la femme montrant un miroir autour duquel est enroulé un serpent personnifierait la Prudence, alors que le lion couché à ses côtés représenterait la Force[10].

Façades sur jardin

Du côté du jardin, donnant autrefois sur les rivières, l'étage noble est ceint par un étroit balcon à balustrade de pierre. Entre chaque baies, rectangulaires – comme sur les façades sur cour –, sont intercalées des sortes de corbeaux richement ouvragés, mais n'ayant aucun rôle de support. Une corniche, supportée par des consoles groupées deux par deux, déborde largement du toit. Elle forme une espèce de frise dorique en relief, les consoles ornées de triglyphes alternant avec des rosaces sculptées rappelant des métopes[10].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Pavillon des sociétés savantes », notice no PA00111192, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  2. Dossier pédagogique du Musée de Normandie, réalisé par l’Association des Amis du Musée de Normandie : Caen à l'époque classique, [lire en ligne (page consultée le 14 mai 2009)], p. 17.
  3. Dominique Margairaz, « La formation du réseau des foires et des marchés : stratégies, pratiques et idéologies » dans les Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, Paris, 1986, vol. 41 , p. 1227.
  4. a et b Étienne Faisant, « Fermer Caen sous Henri IV et Louis XIII : les fortifications des Petits Prés », Annales de Normandie, nos 2018/2,‎ 68e année, p. 77 à 107 (lire en ligne)
  5. Bernard Gauthiez, Espace urbain, vocabulaire et morphologie, Monum éditions du patrimoine, Paris, 2003 (ISBN 2-85822-735-7), p. 66.
  6. Gervais de La Rue, Essais historiques sur la ville de Caen et son arrondissement, Poisson, Caen, 1820, p. 181.
  7. Robert Patry, Une ville de province : Caen pendant la Révolution de 1789, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, 1983, p. 184
  8. Pierre Gouhier, Caen, Caennais. Qu'en reste-t-il ?, Horvath, Paris, 1986.
  9. Georges Mancel, Journal d'un bourgeois de Caen 1652-1733, Charles Woinez, Caen, 1848.
  10. a b c d et e Philippe Lenglart, Caen, architecture et histoire, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, 2008, p. 199-201.
  11. a et b Guillaume-Stanislas Trébutien, Caen, son histoire, ses monuments, son commerce et ses environs, F. Le Blanc-Hardel, Caen, 1870, p. 200.
  12. Lucien Musset, « Historique sommaire du Musée des antiquaires (1824-1963) », Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, t. 57 (1963-1965), Caen, 1965, p. 583-588 [lire en ligne (page consultée le 31 mars 2012)].
  13. Vincent Juhel, « Caumont, Arcisse (marquis de) » dans Philippe Sénéchal, Claire Barbillon (dir.), Dictionnaire critique des historiens de l’art actifs en France de la Révolution à la Première Guerre mondiale, Paris, site de l’Institut National de l'Histoire de l'Art, 2009 [lire en ligne].
  14. Émile Tessier, Guide du touriste en Normandie, Cournol / Lanée, Paris, 1864, 3e éd., p. 135.
  15. Bulletin des lois de l'Empire français, XIe série, 1862.
  16. Séance du 24 août 1857, Département du Calvados - Conseil général - Rapport de M. le Préfet et délibérations du conseil - Sessions de 1857, Caen, veuve Pagny, 1857, p. 25–26.
  17. Séance du 24 août 1857, op. cit., p. 98.
  18. a et b Rémy Desquesnes, Caen 1900-2000 : un siècle de vie, Éditions des Falaises, Fécamp, 2001, p. 181.
  19. Communication sur le projet culturel de la Ville de Caen, 14 septembre 2009, p. 6.
  20. « Mais alors, que va devenir le musée Pasquier ? », Ouest-France,‎ (lire en ligne)
  21. Cf. plan de 1817 et plan Desprez de 1855.
  22. Pierre-Daniel Huet, Les origines de la ville de Caen, revues, corrigées & augmentées, Maurry, Rouen, 1706, p. 60.
  23. Hélène Dupont, « Caen (Calvados). Rue Daniel-Huet ; « Fort des Jacobins ou de la Cercle », « Bains et lavoirs publics » [notice archéologique] », Archéologie médiévale [En ligne], no 46 | 2016,‎ (lire en ligne)
  24. Henri Prentout, Caen et Bayeux, Paris, Laurens, 1921, p. 86.
  25. Lenglart (2008), p. 277.
  26. Dossiers de sociétés anonymes, minières, métallurgiques ou industrielles, financières et immobilières (1808 – 1910), série F/14/8229-8234 et F/12/6728-6834, Archives nationales, p. 19.
  27. François Robinard, Caen avant 1940 : rétrospective de la vie caennaise de 1835 à 1940, Éditions du Lys, Caen, 1993, p. 67.
  28. Philippe Lenglart, Le nouveau siècle à Caen, 1870-1914, Éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, 1989, p. 122–124.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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