Papyrologie arabe

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Bien que le terme papyrologie s'applique essentiellement aux documents grecs et latins provenant de l'Égypte gréco-romaine, puis byzantine, on peut parler d'une papyrologie arabe. Celle-ci, numériquement beaucoup moins importante que la papyrologie classique, traite des documents sur papyrus (administration, fiscalité, économie, culture, etc.) ou sur papier écrits en arabe après la conquête de l'Égypte par les Arabes à partir de 641[1]. La nouvelle capitale, Foustât, est peuplée de familles et de tribus venues d'Arabie et réparties dans de nouveaux lotissements. Le grec, langue de l'administration, de la culture et des élites, et le copte, dernière forme de l'égyptien ancien, doivent désormais cohabiter avec la langue du conquérant. Des habitudes d'écriture arabe sont de plus en plus reproduites par les milieux lettrés coptes. Des formules de politesse arabes qui, au départ, étaient utilisées par des musulmans et référaient à une culture coranique sont employées par des chrétiens dans leur correspondance. Ainsi, l'arabe devient une référence normative. Cette période de transition dure jusqu'au XIe siècle environ[2], siècle où l'arabe prend définitivement le relai et où les papyrus disparaissent au profit du parchemin.

Les textes privés écrits dans les trois langues sont très rares[3].Le grec est encore employé pendant quelque temps, même dans les chancelleries arabes (des papyrus bilingues grec/arabe apparaissent dès 643[4]), puis disparaît un siècle[5] après l'arrivée des Arabes des protocoles, pour ne se cantonner qu'à quelques correspondances privées et disparaître rapidement. Le copte survit plus longtemps (notamment en Moyenne et Haute-Égypte où il subsiste plus de chrétiens), mais fait lentement place à l'arabe, d'abord dans la vie profane, puis même dans le culte chrétien, où le copte - maintenu par la liturgie et les milieux monastiques - n'est plus qu'une langue savante liée aux textes religieux à partir du XIIIe siècle (le basculement s'étant fait à partir du Xe siècle). Les derniers papyrus privés écrits en copte datent du XIe siècle. Il existait cependant encore des populations au Xe siècle (le plus souvent lettrées) qui ne comprenaient pas l'arabe[6]. La coupure s'est donc faite à cette époque. Les toponymes, qui n'étaient auparavant pas arabes, prennent tous une forme mixte ou arabe à partir du XIe siècle.

L'Autrichien Joseph Karabacek (1845-1918) est un pionnier de la papyrologie arabe grâce à l'immense collection de l'actuelle Bibliothèque nationale autrichienne, dont plus de trois mille sont rédigés en arabe.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Sophia Björnesjö, L'Arabisation de l'Égypte: le témoignage papyrologique
  2. Sophia Björnesjö, op. cité
  3. On trouve dans la collection de papyrus de Heidelberg un papyrus médical avec des parties écrites en grec, en copte et en arabe, cf W. Diem, op. cité
  4. Joseph Karabacek, « Arabische Abtheilung », Papyrus Erznerzog Rainer, Fùhrer durch die Aussteltung, (PERF), Vienne, 1894, no 558 et A. Grohmann, « Aperçu de papyrologie arabe », op. cit. note 1, p. 41-42. Le premier papyrus bilingue connu date de 643 et constitue un reçu de la part d'un commandant militaire arabe du nom d'Abdallah ben Gâbir qui confirme au pagarque, du nome héracléopolite (Moyenne-Égypte, sud du Fayyoum), la réception de soixante-cinq moutons réquisitionnés pour ravitailler ses troupes. Le document contient deux versions, l'une en grec et l'autre en arabe. Le texte grec n'est pas la traduction littéraire du texte arabe, ce dernier comportant plus de détails et de précisions. Les noms des scribes sont précisés, le texte grec ayant été copié par le notaire et diacre Jean, et le texte arabe par un certain Ibn Hadid, Ce document est exceptionnel car tous les autres documents que nous connaissons de ces hautes époques ont été rédigés en grec, y compris d'autres ordres émanant de l'administration du même commandant, Abdallah Ben Gâbir (cf Sophia Björnesjö, op. cité)
  5. Dans les années 728-732 ap. J.-C.
  6. Ainsi d'un contrat à Tebtynis, devenue Toutoûn, dont le texte précise qu'une femme doit s'en faire préciser le contenu en copte, in (en) G. Frantz-Murphy, « A Comparison of the Arabic and Earlier Egyptian Contract Formularies », Part l : the Arabic Contracts from Egypt (3rd/9th - 5th/11th centuries), Journal of Near Eastern Studies, Arabic and Islamic Studies in Honour of N. Abbott, 40, 1981, p. 202-225

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (de) Joseph Karabacek, Papyrus Erzherzog Rainer. Fuhrer durch die Ausstellung, Vienne, 1894,
  • (en) I. M. Lapidus, « The Conversion of Egypt to Islam », in Israël Oriental Studies, II, 1972, p. 248-262,
  • (de) W. Diem, Arabische Briefe auf Papyrus und Papier der Heidelberger Papyrus Sammlung, Harrasovilz, Wiesbaden, 1991,
  • A. Grohmann et R.G. Khoury, Chrestomathie de papyrologie arabe : documents relatifs à la vie privée, sociale et administrative dans les premiers siècles islamiques, éd. Brill, Leyde, 1993.
  • Sylvie Denoix, « L’étude des religions, une question de frontières  ? », in Giuseppe Cecere, Mireille Loubet et Samuela Pagani (dirs.), Les mystiques juives, chrétiennes et musulmanes dans l’Égypte médiévale (VIIe – XVIe siècles). Interculturalités et contextes historiques, Le Caire : IFAO, 2013 (RAPH, 35), p. V ‑ VI. (ISBN 978-2-7247-0640-6).
  • Sijpesteijn Petra, Sundelin Lennart (éds.), Papyrology and the History of Early Islamic Egypt, Brill, Leyde-Boston, 2004.
  • Sijpesteijn, Petra, « Arabic Papyri and Islamic Egypt », dans Roger Bagnall (éd.), The Oxford Handbook of Papyrology, Oxford, 2009, p. 452-472.

Liens externes[modifier | modifier le code]