Paix de Caltabellotta

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Caltabellotta, Sicilia giugno 2011

La paix de Caltabellotta, qui fut signée le [1], est un traité intervenant dans la lutte opposant la maison d'Aragon à la maison d'Anjou, pour le contrôle de la Sicile insulaire. Il est conclu à la suite de l'expédition de Charles de Valois, au service de Charles II d'Anjou, contre Frédéric de Sicile en 1302.

Contexte historique[modifier | modifier le code]

De Frédéric II de Hohenstaufen aux Vêpres siciliennes[modifier | modifier le code]

La lutte du Sacerdoce et de l'Empire, opposant la papauté et l'Empereur du Saint-Empire ont atteint leur paroxysme sous le règne de Frédéric II, dont les possessions en Allemagne et en Italie du Sud encerclaient les Etats pontificaux. De ce conflit, l'environnement politique en Italie s'est polarisé entre les Guelfes (partisans de la papauté) et les Gibelins (partisans de l'Empire).

A la mort de Frédéric II, le pape cherche un nouveau souverain, qui lui serait favorable, pour le royaume de Sicile (qui compte alors tant l'île de Sicile que la partie péninsulaire de l'Italie du Sud). C'est finalement Charles d'Anjou, frère de Louis IX de France, qui accepte l'offre. Celui-ci occupe le territoire après avoir vaincu Manfred, fils illégitime de Frédéric qui avait succédé à son père en Sicile, à la bataille de Bénévent en 1266, puis en tuant Conradin (dernier représentant légitime de la maison Staufen) à la bataille de Tagliacozzo de 1268.

Le nouveau roi, Charles d'Anjou, déjà propriétaire de l'Anjou et de la Provence, trouve donc l'appui du pape dans sa souveraineté sur la Sicile. Il ambitionne d'enrichir ses possessions en Méditerranée et de bâtir un empire maritime. Il devient ainsi roi titulaire de Jérusalem et projette de replacer la dynastie des Courtenay sur le trône de Constantinople. Mais cette politique ambitieuse a un coût, notamment fiscale, qui lui attire l'hostilité de la population sicilienne. Celle-ci lui est en outre hostile car elle est de majorité gibeline, alors que Charles d'Anjou représente le parti guelfe par son appui pontifical et le soutien à la cause papale qu'ont constitué les capétiens aux XIIe et XIIIe siècles.

Ainsi, en 1282, la population de Palerme se révolte et massacre les soldats angevins présents en Sicile, ce sont les Vêpres siciliennes. La population appelle alors à l'aide le roi d'Aragon Pierre III qui prépare une expédition contre les Maures. Celui-ci prend alors le contrôle de l'île au nom de ses enfants, dont la mère est Constance de Hohenstaufen, représentant ainsi un argument lignager légitime.

De la croisade d'Aragon à la paix d'Anagni[modifier | modifier le code]

Se sentant menacé par la présence aragonaise proche des Etats pontificaux, mais répondant à l'attaque à un vassal de la papauté qu'était Charles d'Anjou en Sicile, le pape Martin IV, sous l'influence de ce dernier, excommunie le roi Pierre III d'Aragon et part chercher un appui du côté du royaume de France. Par l'intermédiaire du cardinal légat Jean Cholet, la papauté offre à Philippe III de France une croisade, pour placer Charles de Valois, fils cadet de Philippe, à la Couronne d'Aragon, en lieu et place de Pierre III. La donation martinienne est accompagnée de généreuses décimes pour soutenir l'opération.

Malgré la mort de Martin IV et de Charles d'Anjou en début 1285, la croisade d'Aragon est entamée par les Français. Néanmoins, malgré un certain succès lors de la traversé des Pyrénées, l'expédition française tourne au fiasco. Après un long siège de la ville de Gérone, les troupes française battent en retraite en France, le roi Philippe III meurt sur le chemin du retour en octobre 1285. Pierre III d'Aragon meurt également quelques mois après[2].

Son fils Alphonse hérite alors de l'Aragon, tandis que son deuxième fils Jacques est placé en Sicile. Les Aragonais ont alors comme avantage d'avoir capturé le prince de Tarente devenu Charles II d'Anjou à la mort de son père. Le conflit sur la Sicile se poursuit alors par la voie diplomatique. Les Français usant tantôt des prétentions de Charles de Valois comme d'une pression sur l'Aragon, l'Aragon bénéficiant d'un otage de premier ordre pour négocier, la Castille oscillant entre des projets d'alliance française ou aragonaise, Edouard Ier d'Angleterre tentant de jouer les médiateurs. En 1291, Alphonse décède, Jacques II prend sa place en Aragon et Frédéric son cadet est placé comme lieutenant en Sicile.

Le pape Boniface VIII finit par obtenir un accord commun à tous les partis au traité d'Anagni en 1295. Charles de Valois renonce à la couronne d'Aragon, Jacques II devra contribuer à la restitution de l'île de Sicile à Charles II. La Sicile devant passer après sa mort à Charles d'Anjou, lequel s'engageait à payer à Frédéric cent mille onces d'or, ou à faire en sorte que le pape lui permît de conquérir la Sardaigne ou Chypre. On décida également du mariage du roi de Trinacrie avec Éléonore, fille de Charles le Boiteux. Frédéric, quant à lui, laissait au roi Charles tout ce qu'il possédait en Calabre et dans le royaume de Naples. Ce fut l'occasion de libérer Philippe, prince de Tarente et fils de Charles le Boiteux, qui était prisonnier à Cefalù. Le retour de l'île de Sicile aux mains des angevins n'aura finalement jamais lieu.

L'expédition de Charles de Valois et le traité de Caltabellota[modifier | modifier le code]

L'expédition italienne de Charles de Valois[modifier | modifier le code]

En 1301, Charles de Valois épouse Catherine de Courtenay, impératrice titulaire de Constantinople, et projette donc de mener une croisade pour récupérer l'Empire byzantin au nom de sa femme. Le pape Boniface VIII, qui a fourni les dispenses pour ce mariage, y est favorable mais soumet cette croisade à une expédition préalable en Italie.

Lors de cette expédition, Charles de Valois mate notamment les Gibelins en Toscane à la demande du pape. Il poursuit ensuite son voyage plus au Sud pour aller servir Charles II et tenter de reprendre le contrôle de l'île de Sicile que Frédéric n'a finalement jamais abandonnée. Charles de Valois arrive en mai 1302 à Naples. De nombreux actes de Charles II montrent l'attachement qu'il a à cette collaboration. Charles de Valois obtient le droit de traiter avec les rebelles au nom du roi de Naples. Un appel aux armes est formé dans le royaume pour constituer une armée de 3 000 cavaliers et 20 000 piétons sous les ordres de Charles de Valois et Robert de Calabre qui occupe également une place majeur dans l'expédition[3].

Néanmoins, Charles de Valois qui avait pourtant fait ses preuves lors des guerres de Gascogne et de Flandre, ne parvient à aucun résultat en Sicile. Les angevins et français pillent les vallées siciliennes, mais certaines villes comme Palerme ou Sciacca résistent. Charles de Valois, qui plus est, peine à s'imposer comme chef de l'armée, il y a d'ailleurs quelques tensions entre Italiens, Provençaux et Français. Frédéric a bien saisi son infériorité face aux nombreuses troupes du capétien, il préfère donc éviter les batailles rangées et privilégier la guérilla. La guerre est épuisante pour les deux côtés. Mais rapidement Charles de Valois est amené à se retirer des opérations : le 11 juillet 1302 a lieu en Flandre la bataille de Courtrai et la soudaine montée des tensions entre Philippe IV et Boniface VIII rend sa position délicate. Charles de Valois négocie donc à la hâte avec Frédéric le traité de Caltabolleta[3].

Le traité[modifier | modifier le code]

Le traité met fin aux faits d'armes entre l'armée franco-angevine et celle de Frédéric de Sicile, il tente en outre de trouver une nouvelle issue au conflit de jure sur la Sicile qui traîne depuis 1282. Selon les termes du traité, Frédéric garde la Sicile à titre viager et sans le titre de roi, en fief du roi de Naples et de l’Église, la Sicile reviendra à sa mort à Charles II. En compensation, Frédéric se voit promettre en échange le soutien à la conquête de Chypre. Charles de Valois se fait indemniser l'expédition par Charles II et obtient le soutien de Frédéric pour l'Orient. Le chroniqueur italien Villani conclut ainsi : "Charles vint en Toscane pour faire la paix et la laissa en guerre, il alla en Sicile faire la guerre et il y fit une honteuse paix"[3].

À la suite de cette paix, Roger de Flor et les Almogavres, qui avaient combattu avec le roi Frédéric, se retrouvèrent sans emploi et offrirent leurs services à Andronic II Paléologue. Bernat de Rocafort, l'un des chefs des Almogavres, se fit remarquer en ne voulant pas rendre au roi Charles deux châteaux qu'il occupait en Calabre avant d'être payé de la solde qu'on lui devait. Cela lui attira la haine du roi Robert, fils et successeur du roi Charles II d'Anjou, qui le laissa mourir de faim dans ses oubliettes, lorsque Thibaud de Cepoy[4], [ou Chepoy] le lui remit, en 1309.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jean-Marie Moeglin, L'intercession du Moyen Âge à l'époque moderne: autour d'une pratique sociale, Librairie Droz, 2004, p. 221
  2. Gérard Sivéry, Philippe III le Hardi, Fayard
  3. a b et c Joseph Petit, Charles de Valois, Paris, , Chap.III §IV
  4. Amiral de France, ambassadeur de France à Venise, envoyé plus tard pour s’emparer du commandement de la Compagnie catalane au nom de Charles de Valois, frère de Philippe le Bel.

Bibliographie[modifier | modifier le code]