Les Deux Aventuriers et le Talisman

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Les Deux Aventuriers et le Talisman
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Illustration de Gustave Doré.

Auteur Jean de La Fontaine
Pays Drapeau de la France France
Genre Fable
Éditeur Claude Barbin
Lieu de parution Paris
Date de parution 1678
Chronologie

Les Deux Aventuriers et le Talisman est la treizième fable du livre X de Jean de La Fontaine situé dans le second recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1678.

Texte de la Fable[modifier | modifier le code]

Aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire.
Je n'en veux pour témoin qu'Hercule et ses travaux.
Ce dieu n'a guère de rivaux ;
J'en vois peu dans la fable, encor moins dans l'histoire.
En voici pourtant un, que de vieux talismans[N 1]
Firent chercher fortune au pays des romans[N 2].
Il voyageait de compagnie.
Son camarade et lui trouvèrent un poteau
Ayant au haut cet écriteau :
Seigneur Aventurier, s'il te prend quelque envie
De voir ce que n'a vu nul Chevalier errant,
Tu n'as qu'à passer ce torrent ;
Puis, prenant dans tes bras un Éléphant de pierre
Que tu verras couché par terre,
Le porter, d'une haleine, au sommet de ce mont
Qui menace les cieux de son superbe front.
L'un des deux chevaliers saigna du nez[N 3]. Si l'onde
Est rapide autant que profonde,
Dit-il, et supposé qu'on la puisse passer,
Pourquoi de l'Éléphant s'aller embarrasser ?
Quelle ridicule entreprise !
Le sage l'aura fait par tel art et de guise
Qu'on le pourra porter peut-être quatre pas :
Mais jusqu'au haut du mont, d'une haleine, il n'est pas
Au pouvoir d'un mortel ; à moins que la figure
Ne soit d'un Éléphant nain, pygmée, avorton,
Propre à mettre au bout d'un bâton :
Auquel cas, où l'honneur d'une telle aventure ?
On nous veut attraper dedans cette écriture ;
Ce sera quelque énigme à tromper un enfant :
C'est pourquoi je vous laisse avec votre Éléphant.
Le raisonneur parti, l'aventureux[N 4] se lance,
Les yeux clos, à travers cette eau.
Ni profondeur ni violence
Ne purent l'arrêter et selon l'écriteau
Il vit son Éléphant couché sur l'autre rive.
Il le prend, il l'emporte, au haut du mont arrive,
Rencontre une esplanade, et puis une cité.
Un cri par l'Éléphant est aussitôt jeté :
Le peuple aussitôt sort en armes.
Tout autre aventurier au bruit de ces alarmes
Aurait fui. Celui-ci loin de tourner le dos
Veut vendre au moins sa vie, et mourir en héros.
Il fut tout étonné d'ouïr cette cohorte
Le proclamer Monarque au lieu de son Roi mort.
Il ne se fit prier que de la bonne sorte,
Encor que le fardeau fût, dit-il, un peu fort.
Sixte en disait autant quand on le fit Saint-Père :
(Serait-ce bien une misère
Que d'être Pape ou d'être Roi ?)
On reconnut bientôt son peu de bonne foi.
Fortune[N 5] aveugle suit aveugle hardiesse.
Le sage quelquefois fait bien d'exécuter
Avant que de donner le temps à la sagesse
D'envisager le fait, et sans la consulter.

— Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, Les Deux Aventuriers et le Talisman, texte établi par Jean-Pierre Collinet, Fables, contes et nouvelles, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 416

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Nom donné à certaines figures ou caractères gravés sur la pierre ou sur le métal auxquels on attribue des relations avec les astres et des vertus extraordinaires (Littré)
  2. Dans un pays enchanté
  3. Saigner du nez, expression pour manquer de courage, manquer de résolution
  4. Les deux hommes sont aventuriers, mais un seul mérite l'épithète d'aventureux qui veut dire téméraire, risque-tout
  5. C'est le proverbe la fortune favorise les audacieux

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