Le Philosophe scythe

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Le Philosophe scythe
Image illustrative de l’article Le Philosophe scythe
Gravure de Pierre Chenu d'après Jean-Baptiste Oudry, édition Desaint & Saillant, 1755-1759

Auteur Jean de La Fontaine
Pays Drapeau de la France France
Genre Fable
Éditeur Claude Barbin
Lieu de parution Paris
Date de parution 1693
Chronologie

Le Philosophe scythe est la vingtième fable du livre XII de Jean de La Fontaine situé dans le troisième et dernier recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1693 mais daté de 1694.

Texte de la fable[modifier | modifier le code]

Un philosophe austère, et né dans la Scythie,
Se proposant de suivre une plus douce vie,
Voyagea chez les Grecs, et vit en certains lieux
Un Sage assez semblable au vieillard de Virgile[N 1],
Homme égalant les Rois, homme approchant des Dieux,
Et comme ces derniers, satisfait et tranquille.
Son bonheur consistait aux beautés d'un jardin[N 2].
Le Scythe l'y trouva, qui la serpe à la main,
De ses arbres à fruit retranchait l'inutile,
Ebranchait, émondait, ôtait ceci, cela,
               Corrigeant partout la nature,
Excessive à payer ses soins avec usure[N 3].
               Le Scythe alors lui demanda
Pourquoi cette ruine ? Etait-il d'homme sage
De mutiler ainsi ces pauvres habitants ?
Quittez-moi votre serpe, instrument de dommage.
               Laissez agir la faux du temps :
Ils iront assez tôt border le noir rivage[N 4].
J'ôte le superflu, dit l'autre, et l'abattant,
               Le reste en profite d'autant.
Le Scythe, retourné dans sa triste demeure,
Prend la serpe à son tour, coupe et taille à toute heure,
Conseille à ses voisins, prescrit à ses amis
               Un universel abattis.
Il ôte de chez lui les branches les plus belles,
Il tronque son verger contre toute raison,
               Sans observer temps ni saison,
               Lunes ni vieilles ni nouvelles.
Tout languit et tout meurt. Ce Scythe exprime bien
               Un indiscret[N 5] stoïcien ;
               Celui-ci retranche de l'âme
Désirs et passions, le bon et le mauvais,
               Jusqu'aux plus innocents souhaits.
Contre de telles gens, quant à moi, je réclame.
Ils ôtent à nos cœurs le principal ressort :
Ils font cesser de vivre avant que l'on soit mort.

— Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, Le Philosophe scythe, texte établi par Jean-Pierre Collinet, Fables, contes et nouvelles, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 492

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Voir les Géorgiques, IV v. 125-133
  2. Allusion à la doctrine épicurienne exposée par Lucrèce
  3. Rendre un service bien plus grand que celui qu'on a reçu
  4. L'enfer
  5. Sans discernement


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