Initiative populaire « La santé à un prix abordable »

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Initiative populaire fédérale
La santé à un prix abordable
(Initiative-santé)

Déposée le
Déposée par Parti socialiste suisse

Contre-projet non
Votée le
Participation 49,67 %
Résultat : rejetée[NB 1]
Par le peuple non (par 72,9 %)
Par les cantons non (par 20 6/2)[NB 2]

L'initiative populaire « La santé à un prix abordable » dite « initiative-santé », est une initiative populaire fédérale suisse, rejetée par le peuple et les cantons le .

Contenu[modifier | modifier le code]

L'initiative propose de modifier l'article 34bis de la Constitution fédérale pour changer le financement de l'assurance-maladie obligatoire, qui serait assuré par une prime personnelle calculée en fonction du revenu, de la fortune et des charges familiales ainsi que par un relèvement du taux de TVA. L'initiative attribue de plus à la Confédération de nouvelles tâches de direction et de planification, jusqu'alors dédiées aux cantons.

Le texte complet de l'initiative peut être consulté sur le site de la Chancellerie fédérale[1].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Contexte historique[modifier | modifier le code]

En Suisse, l'assurance-maladie et accidents est la plus ancienne assurance sociale au niveau fédéral ; en effet, l'article constitutionnel 34bis qui définit cette assurance existe depuis 1890. La loi d'application, quant à elle, date du [2] et, après un premier refus populaire le [3], a été approuvée en votation le [4] ; elle n'a pas, jusqu'à cette proposition, subi de changements importants : elle définit une assurance-maladie individuelle, facultative et subventionnée et une assurance contre les accidents professionnels obligatoire pour les travailleurs, dont les frais sont partagés entre les employeurs et les salariés.

Bien qu'elle ne soit pas obligatoire, l'assurance-maladie voit son succès aller en grandissant au fil des années : de 14 % de la population en 1915, le taux de personnes assurées passe à 48 % en 1945 et à 89 % en 1970. Sur le plan des prestations, ce sont les frais médico-pharmaceutiques qui augmentent fortement, faisant plus que doubler entre 1960 et 1970 par exemple.

À partir de 1970, les demandes de révisions de la loi sur l'assurance-maladie et l'assurance accidents se multiplient au Parlement : les députés demandent le passage à une assurance obligatoire, la création d'une assurance-maternité et d'une assurance familiale, un financement spécial des frais hospitaliers et une révision du financement et des prestations. Afin de faire le point sur ce sujet, le Conseil fédéral nomme, en , une commission de 50 membres ; celle-ci rend son rapport le dans lequel elle préconise la création d'une assurance hospitalisation obligatoire, détachée de l'assurance maladie et financée par un relèvement des cotisations sociales ; cette proposition sera ultérieurement connue sous le nom de « modèle de Flims ». Sa publication provoque un vif débat duquel surgissent trois autres propositions (appelées « Modèle 1972 », « Modèle de Soleure » et « Modèle Grütli »).

Entre-temps, une initiative populaire « pour une meilleure assurance-maladie » est déposée par le Parti socialiste suisse en 1970 afin de rendre obligatoire l'assurance-maladie, l'assurance-maternité et l'assurance-accidents pour les travailleurs. Ni cette proposition, ni le contre-projet direct proposé par le gouvernement ne seront approuvés lors de la votation du [5].

Immédiatement après ce double refus populaire, plusieurs parlementaires demandent une révision de la loi sur l'assurance-maladie ; le Conseil fédéral forme alors une nouvelle commission chargée de préparer une révision partielle de cette loi. Cette dernière rend son rapport le , rapport utilisé par le Conseil fédéral pour établir une proposition de loi qu'il présente le et qui, selon ses auteurs « se limite aux modifications considérées comme particulièrement urgentes » en élargissant le cercle des bénéficiaires, en étendant partiellement les prestations et en rendant obligatoire l'assurance perte de gain[6]. Un nouveau refus populaire de révision partielle de l'assurance-maladie enterre ces travaux le [7].

Pendant la période de discussion sur la votation de la révision de 1987, le concordat des caisses-maladie suisses lance une nouvelle initiative populaire non pas pour modifier l'organisation ou la couverture accordée par l'assurance-maladie, mais pour en maîtriser les coûts[8] ; cette initiative est à son tour refusée en votation le [9]. Le même sort est réservé à l'initiative populaire « pour une saine assurance-maladie » du Parti socialiste, qui est rejetée en votation le [10], le jour même où la nouvelle loi sur l'assurance-maladie (LAMal) qui définit comme objectifs principaux la couverture des besoins en soins la solidarité et la maîtrise des coûts[11] est acceptée par près de 52 % des votants[12].

Trois ans après l'entrée en vigueur de cette révision, le groupe Denner relève que, contrairement à la volonté des autorités de maîtrise des coûts, « les primes de l’assurance-maladie croissent sans cesse, le marché libre en matière d’assurance-maladie est un vain mot, et [..] la solidarité entre patients et assurés des diverses classes d’âge ne fonctionn[e] pas ». Le groupe lance alors deux initiatives visant à réduire ces coûts : la première, intitulée « pour des coûts hospitaliers moins élevés » et proposant de limiter le remboursement des caisses-maladie aux frais d'hospitalisation est rejetée le [13] tout comme la seconde, baptisée « pour des médicaments à moindre prix » et demandant de diminuer les contrôles sur certains médicaments, qui est refusée le [14].

Le Parti socialiste lance à son tour cette initiative sur le sujet, non pas pour diminuer les coûts de l'assurance-maladie obligatoire, mais pour remplacer un système « où des multimillionnaires, et même des milliardaires, ne paient pas un centime de plus qu'une famille moyenne pour l’assurance-maladie obligatoire » par un calcul des primes selon le revenu et la situation de chaque assuré ce qui, selon les initiants, devrait entraîner une baisse des primes pour 80 % d'entre eux[15].

Récolte des signatures et dépôt de l'initiative[modifier | modifier le code]

La récolte des 100 000 signatures nécessaires débute le . Le , l'initiative est déposée à la Chancellerie fédérale, qui constate son aboutissement le [16].

Discussions et recommandations des autorités[modifier | modifier le code]

Le Parlement[17] et le Conseil fédéral[18] recommandent le rejet de l'initiative. Dans son message aux Chambres fédérales, le gouvernement « estime qu’il n'y a pas lieu d’envisager une refonte du système de financement de l’assurance-maladie sociale telle que la souhaite l’initiative-santé », le système alors en place de réductions de primes remplissant globalement son rôle et pouvant être adapté au besoin. D'autre part, le Conseil fédéral assure que plusieurs exigences de l'initiative sont prises en compte dans les dernières révisions de la LAMal.

Les recommandations de vote des partis politiques sont les suivantes[19] :

Parti politique Recommandation
Démocrates suisses oui
Parti chrétien-conservateur non
Parti chrétien-social liberté de vote
Parti démocrate-chrétien non
Parti évangélique oui[NB 3]
Parti libéral non
Parti de la liberté non
Parti radical-démocratique non
Parti socialiste oui
Parti suisse du travail oui
Union démocratique du centre non
Union démocratique fédérale non
Les Verts oui[NB 4]

Votation[modifier | modifier le code]

Soumise à votation le , l'initiative est refusée par la totalité des 20 6/2 cantons[NB 2] et par 72,9 % des suffrages exprimés[20]. Le tableau ci-dessous détaille les résultats par canton[21] :

Effet[modifier | modifier le code]

Même après ce refus populaire, une nouvelle initiative populaire appelée « Pour une caisse maladie unique et sociale » est déposée dans le but de réduire les coûts de l'assurance-maladie en instaurant une caisse unique dont les primes seraient fixées en fonction de la capacité économique de l'assuré. Elle est également rejetée le [22].

Outre cette initiative, plusieurs autres propositions n'obtiendront pas le nombre de signatures nécessaires ; c'est le cas pour l'initiative « pour une assurance de base minimale et des primes d'assurance-maladie abordables » en 2002, l'initiative « Pour une maîtrise des primes de l'assurance maladie » en 2003 et enfin l'initiative « pour la suppression de l'obligation de s'assurer contre la maladie » en 2004.

Par la suite, l'initiative populaire « Pour une caisse publique d'assurance-maladie » est déposée en 2011 et rejetée en 2014.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Selon l'article 139 de la Constitution, une initiative proposée sous la forme d'un projet rédigé doit être acceptée à la fois par la majorité du peuple et par la majorité des cantons. Dans le cas d'une initiative rédigée en termes généraux, seul le vote du peuple est nécessaire.
  2. a et b Le premier chiffre indique le nombre de cantons, le second le nombre de cantons comptant pour moitié. Par exemple, 20 6/2 se lit « 20 cantons et 6 cantons comptant pour moitié ».
  3. Les sections cantonales de Saint-Gall et de Thurgovie du PEV se sont prononcées en défaveur de l'initiative.
  4. La section cantonale de Thurgovie des Verts a laissé la liberté de vote.

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Texte de l'initiative populaire fédérale », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  2. « Loi fédérale sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents »  (14 juin 1911) de la Feuille fédérale référence FF 1911 III 915.
  3. « Votation no 56 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  4. « Votation no 71 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  5. « Votation no 245 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  6. « Message sur la révision partielle de l'assurance-maladie du 19 août 1981 »  (9 septembre 1981) de la Feuille fédérale référence FF 1981 II 1069.
  7. « Votation no 350 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  8. « Votation populaire du 16 février 1992 : Explications du Conseil fédéral », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  9. « Votation no 373 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  10. « Votation no 416 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  11. « Loi fédérale sur l'assurance-maladie »  (5 avril 1994) de la Feuille fédérale référence FF 1994 II 239.
  12. « Votation no 415 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  13. « Votation no 472 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  14. « Votation no 475 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  15. « Votation populaire du 18 mai 2003 : Explications du Conseil fédéral », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  16. « Initiative populaire fédérale 'La santé à un prix abordable (initiative-santé)' », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  17. « Arrêté fédéral »  (24 décembre 2002) de la Feuille fédérale référence FF 2002 I 7566.
  18. « Message du Conseil fédéral »  (15 août 2000) de la Feuille fédérale référence FF 2000 I 3931
  19. Consignes de vote des partis actuellement représentés au parlement et des organisations
  20. « Votation no 499 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  21. « Votation no 499 - Résultats dans les cantons », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).
  22. « Votation no 528 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le ).