Elisabetta Sirani

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Elisabetta Sirani
Autoportrait
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 27 ans)
BologneVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Activités
Lieu de travail
Mouvement
Père
Fratrie
Anna Maria Sirani (d)
Barbara Sirani (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Elisabetta Sirani (née le à Bologne et morte le ) est une peintre italienne dans la lignée de Guido Reni.

Biographie[modifier | modifier le code]

Autoportrait (1658), musée Pouchkine, Moscou.

Née en 1638[1], fille de Giovanni Andrea Sirani[1],[2], peintre et marchand d'art, elle est l'aînée[1] de quatre enfants, dont deux sœurs, Barbara et Anna-Maria suivent ses traces. Elle a le mérite de s’imposer en tant que femme dans un milieu réservé aux hommes. La famille Sirani est alors établie au numéro 7 de la Via Urbana. La maison fait également office d’atelier.

Giovan Andrea se rend compte du talent de sa fille grâce à un ami de la famille, Carlo Cesare Malvasia[1],[3]. Giovan Andrea se laisse finalement convaincre de lui enseigner son art et décide d’intégrer sa fille, alors âgée de 13 ans, à l’atelier où œuvrent déjà Lorenzo Loli (1603-1672), Lorenzo Tinti (1626-1672) et Giulio Benzi (1647-1681). Elle s’initie à diverses techniques tels que le dessin, la gravure et la peinture. Outre l’apprentissage manuel, Elisabetta reçoit un enseignement théorique et une culture littéraire grâce à la bibliothèque familiale à usage professionnel. À l'époque, les filles d’artiste désireuses de mener une carrière artistique n’ont pas d’autres possibilités que celle de s’instruire par elles-mêmes, les portes de l’université étant closes pour les femmes et la pratique du nu formellement interdite au sexe faible. Grâce aux œuvres de son père, Elisabetta Sirani s’enrichit d’une culture littéraire, artistique et scientifique. Elle peut lire les Métamorphoses d’Ovide, les Vies de Plutarque, la Naturalis Historia de Pline, le De claris mulieribus de Boccace, les Vies de Giorgio Vasari ainsi que des ouvrages plus techniques sur la perspective ou la composition des vernis utilisés en peinture. Giovan Andrea posséde également des sculptures de la main de Michel-Ange.

À 17 ans, Elisabetta Sirani commence la rédaction d’un carnet énumérant et décrivant ses œuvres[1], ce qui nous permet aujourd’hui de constater sa rapidité d’exécution, car en l’espace de 10 ans, elle répertorie 190 tableaux[4]. Giovan Andrea, atteint d'arthrose et de goutte, dans l’incapacité de peindre, doit se résigner à passer le flambeau à sa fille qui prend la direction de l’atelier en 1665[4]. Elle reçoit sa première commande publique en 1658 par l'église de la Chartreuse de Bologne : un tableau représentant le Baptême du Christ, pendant de la Cène exécutée six ans auparavant par son père. La carrière d’Elisabetta Sirani prend alors son essor et de nombreuses commandes de particuliers et d'églises bolonaises affluent. À la fois portraitiste, peintre d’histoire religieuse et mythologique, Elisabetta Sirani devient le peintre à la mode. Sa réputation passe les frontières de Bologne pour s'étendre jusqu´à Florence et Rome grâce à ses commanditaires. Elle reçoit d’ailleurs la visite du grand-duc de Toscane, Cosme de Médicis, dans son atelier, devenu alors une véritable attraction touristique. Sociable, elle n’a pourtant pas le temps de voyager, encore moins d’entretenir une relation amoureuse, car elle doit subvenir aux besoins de sa famille. Elle vit telle une recluse, sous l’emprise d’un père toujours plus exigeant. Elle est l'héritière, d'une certaine façon, de la religieuse Caterina Vigri (1413-1463), célèbre miniaturiste au couvent des Corpus Domini, situé en face de la maison de la famille Sirani, et dont le procès de canonisation retentit dans toute la ville. On lui prête un amour platonique avec un élève de son père, Giovan Battista Zani, mais les sources diffèrent et ne mentionnent rien de réellement fondé.

En 1660, elle ouvrit un salon, puis une école de peinture réservée exclusivement aux femmes[1]. La même année, Elisabetta Sirani est admise à l’Accademia di San Luca de Rome, reconnaissance importante pour une femme, ce qui lui permet de gagner plus d’argent et de pouvoir s’adonner à son autre passion : la musique (elle joue de la lyre et s’adonne au chant). Elle forme de nombreuses artistes peintres, dont certaines persistent dans le métier : Veronica Fontana et Ginevra Cantofoli[1], entre autres.

Tombe de Guido Reni
et d´Elisabetta Sirani[5].

Elisabetta Sirani s'éteint brusquement en 1665[1], à l'âge de 27 ans[1], à la suite d'un ulcère gastrique.

Elle est enterrée dans la chapelle Guidotti de la Basilique San Domenico de Bologne.

Controverses sur sa mort[modifier | modifier le code]

Prise de douleurs le soir de sa mort, les médecins lui prescrivent des onguents, mais ne réussissent pas à la sauver. Elle reçoit les plus grands honneurs lors de ses funérailles le , trois mois après sa mort à la suite d'une autopsie et d'un procès contre sa servante accusée d’empoisonnement. En effet, à la suite de l’autopsie, les médecins ont constaté des trous dans son estomac et émettent l’hypothèse d’un empoisonnement[1],[4]. Les soupçons s’orientent immédiatement sur une servante d’Elisabetta Sirani[4], qui avait donné sa démission quelques jours avant la mort de l’artiste, démission refusée par les parents d’Elisabetta. Sa servante est emprisonnée, puis exilée avant de revenir à Bologne à la demande de Giovanni Andrea Sirani qui lui pardonne.

Au XIXe siècle, l’histoire d’Elisabetta Sirani inspire les esprits romantiques qui lui consacrent plusieurs écrits dont une tragédie, insinuant que l’artiste se serait suicidée par amour. Une autre autopsie est pratiquée par les médecins de l'époque qui arrivent à la conclusion d’une mort due à un ulcère à l’estomac, probablement à la suite d'un surmenage et de l’utilisation des pigments verts qui contiennent de l’arsenic au XVIIe siècle[4].

Œuvres[modifier | modifier le code]

  • 1657 : Allégorie de la Fortune, pinceau, lavis de bistre clair et pierre noire. H. 0,337 ; L. 0,218 m[6]. Beaux-Arts de Paris. Ce dessin de grandes dimensions représente une figure allégorique certainement préparatoire au tableau de la Renommée. Représentée en pied, cette allégorie est une jeune femme nue en équilibre sur une sphère qui tient une voile gonflée par le vent et une corne d'abondance serrée contre son flanc[7].
  • 1658 : Le Baptême du Christ, San Giacomo della Certosa, Bologne.
  • 1658 : Allégorie de la peinture (autoportrait), Musée Pushkin, Moscou.
  • 1658 : Judith avec la tête d’Holopherne, Burghley House, Stamford.
  • 1658 : Sainte Madeleine pénitente, Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie, Besançon.
  • 1659 : Timoclée précipite le capitaine d’Alexandre Magne dans un puits, Musée de Capodimonte, Naples.
  • 1659 : Libération du possédé de Constantinople, plume et encre brune, lavis brun. H. 0,200 ; L. 0,287 m[8]. Beaux-Arts de Paris. Cette feuille fait état d'une iconographie rare dont la source est le récit d'Agostino Calcagnino de 1639 (Dell'imagine edessena, Gênes) racontant l'histoire d'un possédé délivré à la vue de la Sainte Face portée en procession[9].
  • 1661 : Petit Amour Medicis, Collection privée.
  • 1662 : Saint Antoine de Padoue en adoration devant l’Enfant Jésus, Pinacothèque nationale, Bologne.
  • 1662 : Portrait de Beatrice Cenci, Galleria Nazionale d'Arte Antica, Rome (souvent aussi attribué à Guido Reni).
  • 1663 : Vierge à l'Enfant, National Museum of Women in the Arts, Washington.
  • 1664 : Porcia se blessant à la cuisse, Ross Miles Foundation, Houston.
  • 1665 : Portrait d’Anna Maria Ranuzzi Marsigli en Charité, Collections d’art et d’histoire de la Caisse d'épargne, Bologne.
  • Autoportrait avec un page, plume et encre brune, lavis brun sur tracé à la sanguine. H. 0,286 ; L. 0,210 m[10]. Beaux-Arts de Paris. Au lieu de se présenter comme une peintre en train de pratiquer son art, Elisabetta Sirani choisit de s'afficher comme une dame de qualité suivant l'image de la femme éduquée et cultivée. Elle opte pour une figure en pied où sont mis en valeur sa silhouette et son maintien altier. Cette composition rappelle les portraits de Van Dyck peints à Gênes à la même époque[11],[12].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i et j Anne-Sophie Molinié, « Sirani, Elisabetta [Bologne 1638-Id. 1665] », dans Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Dictionnaire universel des créatrices, Éditions Des femmes, , p. 4012
  2. De l'école bolonaise, élève et principal assistant de Guido Reni
  3. Il écrivit la biographie d’Elisabetta Sirani dans son ouvrage Felsina pittrice (1678)
  4. a b c d et e Hélène Meyer, « Sirani Elisabetta », sur Ministère de la Culture
  5. L'épitaphe latine indique :
    Ici reposent
    GUY RENI et ÉLISABETH SIRANI.
    Guy vécut 67 ans et mourut le 15e jour des calendes de septembre de l'an 1642.
    Élisabeth vécut 26 ans et mourut le 5e jour des calendes de septembre de l'an 1665.
    Ce tombeau renferme les cendres d'Élisabeth Sirani
    et protège aussi la dépouille de Guy Reni.
    Ainsi, la mort put réunir dans ce tombeau deux miracles de la peinture que la vie n'a pas conjoints.
    HANNIBAL GUIDOTTI
    fit graver une ancienne épitaphe en l'an 1808
    puisque leurs cendres contenaient, dans son propre tombeau, celles plus illustres de Guy Reni,
    pour honorer ses restes d'une inscription.
    La tête qui, à ce qu'assure la mémoire humaine, fut celle de ce peintre exceptionnel, dont les ossements gisaient jadis dans la sépulture des Guidotti, fut transférée ici depuis le cimetière de la Chartreuse
    en 1950.
  6. « Allégorie de la Fortune, Elisabetta Sirani », sur Cat'zArts
  7. Brugerolles, Emmanuelle, van Tuyll, Carel, Le Dessin à Bologne, Carrache, Guerchin, Dominiquin …, Chefs-d’œuvre des Beaux-Arts de Paris, Paris, Beaux-Arts éditions, 2019, p. 104-107, Cat. 26.
  8. « Libération du possédé de Constantinople, Elisabetta Sirani », sur Cat'zArts
  9. Brugerolles, Emmanuelle, van Tuyll, Carel, Le Dessin à Bologne, Carrache, Guerchin, Dominiquin …, Chefs-d’œuvre des Beaux-Arts de Paris, Paris, Beaux-Arts éditions, 2019, p. 108-110, Cat. 27.
  10. « Autoportrait avec un page, Elisabetta Sirani », sur Cat'zArts
  11. Brugerolles, Emmanuelle, van Tuyll, Carel, Le Dessin à Bologne, Carrache, Guerchin, Dominiquin …, Chefs-d’œuvre des Beaux-Arts de Paris, Paris, Beaux-Arts éditions, 2019, p. 111-113, Cat. 28.
  12. Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, Portraits dans les collections de l’École des Beaux-Arts, Carnets d’études 36, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2016, p 71-73, Cat. 22

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Autres femmes peintres de la Renaissance italienne :

Liens externes[modifier | modifier le code]

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