Droit international privé

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Le droit international privé (sous forme d'abréviation : DIP) dans les systèmes de droit romano-civiliste « est constitué par l'ensemble des principes, des usages ou des conventions qui gouvernent les relations juridiques établies entre des personnes régies par des législations d'États différents »[1]. Il peut en ce sens être qualifié d'« instrument de gestion de la diversité des droits »[2].

Le droit international privé a vocation à s'appliquer dans une situation de conflit de lois nationales causé par un élément d'extranéité[3] dans l'application de situations de droit privé[4]. Le droit international privé vise à « régler ce conflit en faveur de l'une des lois en présence en forgeant des instruments spécifiques à cet effet[5] ». S'il s'agit de relations entre États, le droit applicable est le droit international public. À noter que le terme "État" ne sous entend pas uniquement des États ou des pays souverains, et peut également faire référence aux conflits de lois entre différents États fédérés. Par exemple, le Canada étant un État fédéral dans lequel les provinces ont la compétence pour légiférer en matière de droit privé, lorsqu'il y a conflits de lois causés par un élément d'extranéité, on parle donc de droit international. Le terme État fait donc référence à l'État qui possède la souveraineté dans un domaine particulier, que ce soit l'État central ou l'État fédéré.

Le droit international privé a donc pour objectif de déterminer :

Le droit international privé organise aussi la reconnaissance puis l'application des décisions juridictionnelles provenant d'un autre pays du monde (exequatur).

Contrairement à ce que pourrait laisser entendre son nom, le droit international privé n'est pas uniforme et varie selon les pays. Ainsi il existe un droit international privé en France différent du droit international privé en Tunisie.

Terminologie[modifier | modifier le code]

Le droit international privé emploie une terminologie ou une interprétation propre de certains termes. Le vocabulaire du droit international privé comprend des expressions latines (lege fori, lex loci delicti) pour lesquelles il existe des traductions satisfaisantes en français. Par ailleurs, le droit international privé emploie des termes spécifiques (loi de police) ou pris dans une acception spécifique (ordre public international).

Histoire[modifier | modifier le code]

Le droit romain est le premier système juridique à avoir organisé le droit international privé. Très rapidement, les Romains ont fait la distinction entre le droit applicable à la citoyenneté romaine et celui appliqué aux étrangers (ce droit était appliqué dans un premier temps par un juge particulier, il a pour mission de choisir le droit applicable).

Au début du Moyen Âge, on a consacré le principe de la personnalité des lois qui implique l’application d’une loi variable en fonction de l’origine ethnique. Cette vision des choses sera reprise en France avec les colonies françaises.

Tout change au Moyen Âge avec l’époque féodale : les choses vont se figer à la suite de la stabilisation des populations, l’appauvrissement des échanges. Cette fixation s’accompagne d’un morcellement du pouvoir qui entraîne un attachement à la terre et mène à la naissance de la notion de territoire : à la personnalité des lois va succéder le principe de la territorialité des lois (on a la loi de son territoire).

Le passage d’un principe à l’autre va entraîner un effritement considérable qui va donner naissance à des coutumes pour chaque territoire. À partir de là, les juristes vont réfléchir sur la façon dont on peut articuler les différentes coutumes entre elles : D’Argentré (1519 – 1590), président du présidial de Rennes. Il est l’un des principaux artisans de la Nouvelle coutume de Bretagne, source juridique applicable en Bretagne, solennellement publiée en 1580. Dans l’esprit, il défend l’originalité du droit provincial, et lutte contre l’influence des droits français et romain. Il part du principe qu’une coutume ne va pas avoir d’effet sur le territoire voisin. Il va établir une distinction entre les coutumes réelles et les coutumes personnelles :

  • les coutumes réelles ont une expression territorialiste ;
  • les coutumes personnelles peuvent avoir une certaine extraterritorialité.

Les coutumes réelles sont les plus importantes, le domicile est le critère de rattachement principal étant donné que la nationalité et la nation sont encore des concepts flous.

L’introduction par d’Argentré du principe de territorialité rend le conflit de lois possible. Au fur et à mesure de l’évolution historique de notre société, le principe de territorialité va se doubler de celui de souveraineté. Dès lors, celui qui dit la loi est le juge saisi (loi du for).

La théorie de d’Argentré est la première théorie vraiment cohérente en France qui va toucher ensuite la Hollande et les pays anglo-saxons. De façon beaucoup plus efficace, les frères Voet vont reprendre la théorie de d’Argentré mais systématiquement coupler le principe de territorialité avec celui de souveraineté.

Dès le Moyen Âge et parallèlement à cette vision politique se développe une vision économique qui voit la multiplication des sources privées grâce aux échanges entre la Flandres et le Nord de l’Italie, qui mène notamment au développement de la lettre de change.

En Angleterre, Dicey mène une réflexion sur la théorie d’Argentré sur fond de problèmes politiques de sa société (rattachement de la Cour d’Écosse). Il part du principe de territorialité mais va faire un très grand pas en avant en postulant que si d’aventure un juge applique une loi étrangère, c’est au nom des droits acquis et non de la courtoisie internationale.

Cette théorie des droits acquis a une très forte influence sur les droits anglais et américain : le système de la Common Law en est en effet l’héritier direct.

Les choses vont beaucoup changer au XIXe siècle : le monde change et a découvert à la suite de la Révolution française la notion de sujet de droit.

Les choses étaient mures pour que Friedrich Carl von Savigny édite un traité en plusieurs volumes, en 1849. Une des parties de ce traité de droit romain va changer complètement le DIP mondial en fournissant de nouvelles bases, à tel point que certains commentateurs ont pu parler de « révolution ».

Recherche du développement des échanges internationaux : Il est très ancré sur le droit romain et son idée est qu’il y a une communauté de pensée en Europe, une communauté de civilisations, de système économique. Il en déduit qu’il faut trouver une méthode de résolution des conflits qui soit stable, non contestée, sécurisante et acceptable dans un monde en voie d’internationalisation.

Il ne faut pas s’inquiéter[style à revoir] de l’autorité qui pose la règle mais il faut trouver la solution la plus raisonnable en procédant à « l’analyse de chaque type de rapport de droit pour lui appliquer la loi la plus conforme à sa nature propre et essentielle ». « Il convient de déterminer pour chaque classe de rapport de droit le domaine auquel il appartient, c’est-à-dire le siège du rapport de droit ».

Cette construction savinienne va être appliquée à la règle de conflit de loi et ce système conflictuel va s’étendre partout dans le monde. En effet, dans ce dernier cas, le préjudice subi par un individu implique le plus souvent un coût médical qui, dans le cadre du droit international privé, met la sécurité juridique de l’individu en danger, certains États indemnisant de façon moindre le préjudice subi au sein de leur système de responsabilité délictuelle interne.

La contestation américaine va venir de la responsabilité délictuelle en matière d’accident. La règle de conflit de loi en la matière est la lex loci delicti (Littéralement « la loi du lieu du délit »). C’est ainsi que la « théorie des points de contacts » américaine est née et a initié un mouvement de conflit car la règle de conflit abstraite ne prend pas en compte tous les éléments politiques d’une situation.

Droit international privé français[modifier | modifier le code]

Raisonnement du conflit de lois[modifier | modifier le code]

La méthode du conflit de lois dite méthode conflictuelle présente trois caractéristiques. D'une part la méthode conflictuelle est dite indirecte, en ce qu'elle ne permet pas de trancher le litige au fond. Elle permet simplement de désigner la loi applicable au litige. On dit aussi que la règle de conflit est bilatérale, car son but est de déterminer la loi applicable à un rapport de droit considéré. Enfin, la règle de conflit est censée être neutre en ce qu'elle ne prend pas partie pour l'une ou l'autre des lois potentiellement applicables à un rapport de droit considéré, elle se contente de choisir laquelle est la plus adaptée à régir la situation.

Qualification de la situation[modifier | modifier le code]

L'opération de qualification est le «classement de la question posée dans une catégorie de rattachement: statut personnel, statut réel, contrat, responsabilité délictuelle[6]». L'opération de qualification n'est du reste, pas exclusive au droit international privé. Elle irrigue tous les domaines du droit. Par exemple, en droit civil il est nécessaire de qualifier un contrat pour déterminer son régime et en droit pénal il faut qu'une infraction soit qualifiée pour que le prévenu soit condamné.

Avant l'avènement du droit international privé européen, la question du conflit de qualifications se posait. Les juridictions françaises ont eu à connaître de cette problématique à l'occasion de l'affaire dite Caraslanis. Les faits étaient les suivants: un mariage civil avait été célébré en France, entre un homme de nationalité grecque et une femme française. Les relations entre les époux se détériorent jusqu'à ce qu'une juridiction française prononce le divorce. Le mari, Caraslanis soutient que les époux n'ont en réalité jamais été mariés, car le droit grec imposait la célébration par un prêtre orthodoxe pour que le mariage soit valide. Le droit international privé français en matière de mariage, imposait que chaque époux doive respecter les conditions de fond établies par leur loi personnelle pour valablement se marier. Les conditions de forme étant régies par le règle du locus regit actum (la loi du lieu de l'acte) qui était la France. Ainsi en l'espèce, pour que le mariage soit valide, l'époux grec devait remplir les conditions de fond établies par la loi grecque et l'épouse française devait remplir les conditions de fond établies par la loi française. C'est pourquoi l'époux soutenait que le mariage n'avait jamais eu lieu en l'espèce, car l'exigence tenant à la célébration par un prêtre orthodoxe était considérée comme une condition de fond par la loi grecque. Or, la loi française elle, qualifiait une telle exigence de condition de forme qui n'avait donc pas vocation à s'appliquer puisque la loi régissant la forme était la loi française. C'est là que résidait le conflit de qualification, le juge français devait-il qualifier cette condition de condition de fond (selon la conception grecque) ou de condition de forme (selon la conception française) ?

En France, la Cour de cassation a décidé à cette occasion que la qualification devait s'opérer lege fori, c'est-à-dire selon les conceptions de la loi du for (le for étant la juridiction saisie de l'affaire). Ainsi, le juge français a qualifié la condition invoquée par l'époux Caraslanis de condition de forme, conformément aux conceptions de l'ordre juridique français[7]. À ce titre, les époux n'étaient donc pas tenus de célébrer leur mariage devant un prêtre orthodoxe pour que celui-ci soit valide, la loi régissant la forme de l'acte étant la loi française et non la loi grecque en vertu de la règle locus regit actum.

Aujourd'hui[Quand ?], la qualificaiton lege fori est résiduelle en droit français. En effet, l'essentiel du droit international privé est désormais d'origine européenne qui impose des qualifications dites «autonomes», afin de s'assurer de l'application uniforme du droit international privé sur tous les États-membres. Par exemple, la Cour de Justice des Communautés Européennes, s'agissant du champ d'application de la convention de Rome de 1980, a jugé en 1992 que la matière contractuelle se définissait comme celle dans laquelle il existait un engagement librement assumé d'une partie envers une autre[8]. Cette qualification posée par la Cour est autonome en ce que les juridictions nationales, faisant application du droit international privé européen, doivent se plier à la qualification dégagée par la Cour, indépendamment des qualifications retenues en droit interne.

Détermination du juge compétent[modifier | modifier le code]

Les règles de conflit de juridictions ont pour but de déterminer la juridiction compétente, dans un différend présentant des éléments d'extranéité, justifiant l'application du droit international privé.

Règles de compétence en droit international privé français[modifier | modifier le code]

Dans un premier temps, le droit français se désintéressait totalement des litiges entre étrangers en considérant que l'extranéité des parties constituait un motif d'incompétence pour les juridictions françaises. Cette conception est abandonnée progressivement, notamment par un arrêt dit « Scheffel » rendu par la Cour de cassation en 1962 par lequel les juges ont considéré que « l'extraneité des parties n'est pas une cause d'incompétence des juridictions françaises[9] ». Cet arrêt est aussi remarquable en ce qu'il a posé un principe général pour déterminer la compétence internationale des juridictions françaises qui doit se déterminer « par extension des règles de compétence territoriale interne[9] ».

Droit international privé européen[modifier | modifier le code]

L'avènement de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) puis de la communauté économique européenne (CEE) et enfin celui de l'Union européenne a permis une harmonisation du droit international privé des différents États-membres dans certains domaines particuliers du droit, comme les obligations contractuelles, les obligations alimentaires ou encore les mariages.

Conflit de juridictions[modifier | modifier le code]

Le droit positif en vigueur au sein de l'Union européenne en matière de conflit de juridictions est issu du règlement (UE) no 1215/2012 dit « Bruxelles I bis ». Ce règlement est applicable à la matière civile et commerciale, bien que certaines matières soient explicitement exclues de son champ d'application comme les litiges liées à l'état ou à la capacité des personnes, à l'arbitrage ou encore à la sécurité sociale[10].

Conflit de lois[modifier | modifier le code]

Sous l'impulsion du droit communautaire, une grande partie du droit international privé des États-membres de l'Union européenne a été harmonisé. L'application des règles de droit international privé nationales est devenue dès lors plus marginale.

Droit international privé québécois[modifier | modifier le code]

En droit québécois, le livre dixième du Code civil du Québec est consacré au droit international privé. Pour déterminer si les tribunaux québécois sont compétents pour entendre un litige, il faut d'abord se demander si le litige comporte ou non un élément d'extranéité, au sens où l'entend l'arrêt Dell Computer Corp de la Cour suprême du Canada. Un élément d'extranéité signifie qu'un aspect du litige a un quelconque rapport avec une juridiction étrangère. S'il y a un élément d'extranéité, les règles de livre dixième du Code civil vont trouver application. L'art. 3134 C.c.Q. énonce le principe général que les autorités québécoises sont compétentes lorsque le défendeur a son domicile au Québec. L'art. 3148 C.c.Q. est l'article le plus important du Code civil en matière de compétence territoriale. Il énonce les cas explicites où les autorités québécoises sont compétentes.

« Dans les actions personnelles à caractère patrimonial, les autorités québécoises sont compétentes dans les cas suivants :

  1. Le défendeur a son domicile ou sa résidence au Québec ;
  2. Le défendeur est une personne morale qui n’est pas domiciliée au Québec mais y a un établissement et la contestation est relative à son activité au Québec ;
  3. Une faute a été commise au Québec, un préjudice y a été subi, un fait dommageable s’y est produit ou l’une des obligations découlant d’un contrat devait y être exécutée ;
  4. Les parties, par convention, leur ont soumis les litiges nés ou à naître entre elles à l’occasion d’un rapport de droit déterminé ;
  5. Le défendeur a reconnu leur compétence.

Cependant, les autorités québécoises ne sont pas compétentes lorsque les parties ont choisi, par convention, de soumettre les litiges nés ou à naître entre elles, à propos d’un rapport juridique déterminé, à une autorité étrangère ou à un arbitre, à moins que le défendeur n’ait reconnu la compétence des autorités québécoises. »

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Serge Braudo, « Définition de Droit International Privé », Dictionnaire du droit privé, sur dictionnaire-juridique.com (consulté le ).
  2. Dominique Bureau et Horatia Muir Watt, Le droit international privé, Paris, PUF, , p. 1
  3. Exemple : différences de nationalités des personnes en cause
  4. Exemple : divorce
  5. Sandrine Clavel, HyperCours : Droit international privé, Dalloz, , 5e éd. (ISBN 978-2-247-18489-7), p. 3
  6. Thierry Vignal, Droit international privé, 4e édition, Sirey, (ISBN 978-2-247-17631-1), Page 65
  7. Cour de cassation chambre civile, 22 juin 1955, Caraslanis. [1]
  8. CJCE ; 1992, Jakob Handte & Co. GmbH contre Traitements mécano-chimiques des surfaces SA. [2]
  9. a et b Cour de cassation, 1ère chambre civile, 1962, Scheffel.
  10. Article premier du règlement Bruxelles I bis : 1. Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s’applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (acta jure imperii).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]