Demi-groupe

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En mathématiques, plus précisément en algèbre générale, un demi-groupe (ou semi-groupe) est une structure algébrique constituée d'un ensemble muni d'une loi de composition interne associative. Il est dit commutatif si sa loi est de plus commutative.

Définition[modifier | modifier le code]

Un demi-groupe est un magma associatif. Autrement dit, c'est un couple composé d'un ensemble S et d'une opération qui vérifie la propriété d'associativité : pour tous a, b et c dans S.

Exemples[modifier | modifier le code]

  • L'ensemble des entiers naturels non nuls muni de l'addition est un demi-groupe.
  • Tout monoïde est un demi-groupe.
  • Tout groupe est un demi-groupe.
  • Si est un pseudo-anneau, alors est un demi-groupe.
  • L'ensemble vide[1] muni de la loi de composition interne est un demi-groupe.
  • Tout ensemble ordonné dont toute paire d'éléments possède une borne inférieure, muni de la loi qui leur associe cette borne inférieure, constitue un demi-groupe commutatif[2].
  • Pour tout demi-groupe , l'ensemble des parties de S est également un demi-groupe pour l'opération définie par

Historique[modifier | modifier le code]

L'étude des demi-groupes, en tant que structure algébrique, commence avec des travaux russes, notamment ceux d'Anton Kazimirovich Suschkewitsch (en), qui détermina en 1928 la structure des semi-groupes simples finis[3], puis ceux d'Evgenii Sergeevich Lyapin. Quelques années plus tard, des travaux fondateurs furent menés par David Rees, James Alexander Green, Alfred H. Clifford et Gordon Preston[4]. Puis la théorie des demi-groupes finis s'est beaucoup développée, en liaison avec la théorie des automates, sous l'impulsion de Marcel-Paul Schützenberger et Samuel Eilenberg notamment. Elle est directement liée aux variétés de langages formels[5].

Depuis 1970 paraît un périodique, Semigroup Forum, consacré à la théorie des demi-groupes.

Concepts essentiels[modifier | modifier le code]

Élément neutre[modifier | modifier le code]

Un élément neutre du demi-groupe S est un élément de S tel que pour tout dans . Lorsque S a un élément neutre, on dit que c'est un monoïde [6],[7].

Il est d'usage de noter le monoïde obtenu par l'ajout à d'un élément supplémentaire, qui déterminera comme l'unique prolongement de à qui fait de ce nouvel élément l'élément neutre de ce dernier restant s'il est déjà unifère. Formellement

Dans le deuxième cas, est un objet quelconque qui ne figure pas dans , et la loi sur est étendue à en posant

pour tout dans

Lorsque le demi-groupe est commutatif, le monoïde l'est aussi. On définit alors son groupe symétrisé ou groupe de Grothendieck . Si de plus est simplifiable (c'est-à-dire si tous ses éléments sont réguliers) alors l'est aussi, donc le morphisme canonique de dans (via ) est injectif.

Zéro[modifier | modifier le code]

L'élément absorbant, aussi appelé zéro d'un demi-groupe est un élément tel que pour tout dans . Par exemple, le nombre 0 est un zéro des entiers naturels pour la multiplication. Si un demi-groupe possède un zéro, il est unique.

Morphisme de demi-groupes[modifier | modifier le code]

Soient et deux demi-groupes. Une application est un morphisme de demi-groupes si pour tous . Par exemple, l'application est un morphisme du demi-groupe des entiers naturels munis de l’addition dans le demi-groupe des puissances entières de 2 munis de la multiplication.

Sous-demi-groupe[modifier | modifier le code]

Un sous-demi-groupe d'un demi-groupe est un sous-ensemble de fermé sous l'opération de . Un sous-monoïde d'un monoïde est un sous-demi-groupe de qui contient l'élément neutre de .

Ainsi l'ensemble ℕ des nombres naturels, muni de la multiplication, est un demi-groupe commutatif dont l'ensemble 2ℕ des nombres pairs est un sous-demi-groupe . ℕ est alors un monoïde avec élément neutre 1 alors que 2ℕ n'est qu'un demi-groupe.

Un sous-demi-groupe d'un monoïde peut être un monoïde sans être un sous-monoïde de . Par exemple dans le monoïde multiplicatif ℕ ci-dessus, le sous-demi-groupe {0} est le monoïde trivial, mais n'est pas un sous-monoïde de ℕ, car il ne contient pas l'élément neutre de ℕ.

Inverses[modifier | modifier le code]

Il existe dans les demi-groupes une notion de pseudoinverse et une notion d'inverse, qui généralise celle d'élément symétrique dans les groupes :

est un pseudoinverse[8] de si .
est un inverse de si et .

Tout inverse est évidemment un pseudoinverse. Réciproquement, si est un pseudoinverse de alors[9] est un inverse de , puisque et .

En algèbre linéaire, le pseudo-inverse d'une matrice est un inverse pour le semi-groupe multiplicatif des matrices.

Un demi-groupe régulier est un demi-groupe dans lequel tout élément admet au moins un pseudoinverse ou (ce qui, d'après ce qui précède, est équivalent) au moins un inverse.

Un demi-groupe inversif est un demi-groupe dans lequel tout élément admet un unique inverse[10].

Idéaux[modifier | modifier le code]

Une partie[11] d'un demi-groupe est un idéal à gauche (à droite) si , . C'est un idéal (bilatère) s'il est à la fois un idéal à droite et à gauche. Pour tout élément de , l'ensemble , , est l'idéal à gauche, à droite, bilatère engendré par . Un idéal est propre s'il est non vide et distinct du demi-groupe tout entier.

Le zéro, s'il existe, est un idéal bilatère propre si ne se réduit pas à cet élément.

Idéal minimal[modifier | modifier le code]

Le produit d'idéaux est un idéal contenu dans leur intersection. Il en résulte que si les idéaux ne sont pas vides, leur intersection ne l'est pas non plus.

Un idéal non vide est minimal s'il ne contient pas d'autre idéal non vide. Ainsi, un idéal minimal, vu comme demi-groupe, est un demi-groupe simple. Comme l'intersection de deux idéaux non vides est un idéal non vide, un demi-groupe possède au plus un seul idéal minimal. L'existence d'un idéal minimal est assurée dans le cas d'un demi-groupe fini (on prend simplement l'intersection de tous les idéaux non vides).

Si un demi-groupe possède un zéro , il est à lui tout seul l'idéal minimal de . Un idéal de est -minimal s'il est non vide, différent de , et ne contient pas d'autre idéal non vide. Un idéal 0-minimal , vu comme demi-groupe, est un demi-groupe 0-simple sauf si .

Exemple
Le demi-groupe défini par pour possède deux idéaux 0-minimaux, à savoir et .

Quotient de Rees[modifier | modifier le code]

Soit un demi-groupe et soit un idéal de . Le quotient de Rees de par est le demi-groupe quotient de par la congruence de Rees , définie par

.

Si est vide, . Si , est un singleton. Si , on emploie la construction suivante[12] : On dénote la classe de par , et on identifie les autres classes à leur unique élément. Alors , avec la multiplication définie comme suit : est un zéro, et

Le quotient de Rees est nommé ainsi d'après son concepteur, le mathématicien David Rees.

Exemple
Dans le monoïde libre engendré par un alphabet à deux lettres au moins, on considère l'idéal des mots contenant un mot carré, c'est-à-dire l'ensemble des mots de la forme , où sont des mots, et n'est pas le mot vide. Le quotient de Rees est composé des mots sans carré de , et d'un zéro. Si est composé de deux lettres et , le quotient de Rees est fini et formé de , du mot vide et du zéro. Si a plus de deux lettres, ce quotient de Rees est infini.

Demi-groupe simple et 0-simple[modifier | modifier le code]

  • Un demi-groupe est simple si ses seuls idéaux sont et S.
  • Un demi-groupe est 0-simple s'il possède un zéro noté , si et si et sont ses seuls idéaux. Comme est un idéal non vide, la seule possibilité qui reste est . Un demi-groupe 0-simple ne se réduit donc pas à son zéro.
Exemples
Le demi-groupe bicyclique est simple. Tout groupe est simple en tant que demi-groupe.
Un 0-groupe est un demi-groupe de la forme , où est un groupe et où est un élément qui joue le rôle d'un zéro et qui n'est pas dans . La loi de est donc étendue à par pour dans . On écrit en général pour . Plus généralement, si est un demi-groupe non vide, on note le demi-groupe avec zéro obtenu en ajoutant un zéro à . Un 0-groupe est un demi-groupe 0-simple.


Références[modifier | modifier le code]

  1. On parle alors d'application vide.
  2. La réciproque est vraie : soit un tel demi-groupe; en posant si , on a S partiellement ordonné par R et toute paire d'éléments possède une borne inférieure dans (S, R).
  3. Über die endlichen Gruppen ohne das Gesetz der eindeutigen Umkehrbarkeit, 1928.
  4. (en) G. B. Preston, « Personal reminiscences of the early history of semigroups », sur gap-system.org, (consulté le ).
  5. Pin 1986.
  6. Cette définition est conforme à N. Bourbaki, Éléments de mathématique, Algèbre, vol. I, Paris, édition de 1970, ch. I, § 2, n° 1, déf. 2, p. I.12. Dans l'édition de 1964, « monoïde » avait un sens différent.
  7. Une certaine confusion dans la terminologie a pu exister en langue française due, en partie du moins, au fait qu'en 1904, le mathématicien français J.-A. de Séguier, dans Éléments de la Théorie des Groupes Abstraits, proposait le terme « semi-groupe » pour désigner un demi-groupe simplifiable. Cette distinction est maintenant abandonnée.
  8. Kilp, Knauer et Mikhalev 2000, page 33.
  9. Clifford et Preston 1961, Lemma 1.14.
  10. Le terme « inversif » apparaît dans G. Thierrin, « Sur les éléments inversifs et les éléments unitaires d'un demi-groupe inversif », C. R. Acad. Sci. Paris vol. 234 (1952) pp. 33-34. On dit aussi « inverse », en analogie avec le terme anglais.
  11. Howie accepte l'idéal vide, Grillet demande qu'il ne soit pas vide.
  12. Voir par exemple Grillet 1995, p. 17-18.

Littérature[modifier | modifier le code]

Histoire des demi-groupes
Ouvrages historiques
  • (en) Alfred H. Clifford et Gordon B. Preston, The Algebraic Theory of Semigroups, vol. I, Providence, R.I., American Mathematical Society, coll. « Mathematical Surveys » (no 7-Part I), , xv+224 (ISBN 978-0-8218-0272-4, MR 0132791, lire en ligne)
  • (en) Alfred H. Clifford et Gordon B. Preston, The Algebraic Theory of Semigroups, vol. II, Providence, R.I., American Mathematical Society, coll. « Mathematical Surveys » (no 7-Part II), , xv+350 (ISBN 978-0-8218-0272-4, MR 0218472, lire en ligne)
  • (en) Evgueni S. Lyapine, Semigroups, American Mathematical Society, coll. « Translations of Mathematical Monographs » (no 3),
    Deux autres éditions suivent, une première en 1968 avec un chapitre additionnel, et une deuxième, en 1974, avec un autre chapitre en plus.
Ouvrages classiques
  • (en) John M. Howie, Fundamentals of Semigroup Theory, Oxford, Oxford University Press, coll. « London Mathematical Society Monographs. New Series » (no 12), , x+351 (ISBN 0-19-851194-9, MR 1455373)
  • (en) Pierre Antoine Grillet, Semigroups : An Introduction to the Structure Theory, Marcel Dekker, coll. « Monographs and Textbooks in Pure and Applied Mathematics » (no 193), , xii+398 (ISBN 0-8247-9662-4, MR 2000g:20001)
  • Gérard Lallement, Semigroups and Combinatorial Applications, John Wiley & Sons, coll. « Pure and Applied Mathematics », , xi+376 (ISBN 0-471-04379-6, MR 81j:20082)
  • (en) Jean-Éric Pin, Varieties of Formal Languages, Plenum Press,
Ouvrages récents
  • (en) Mati Kilp, Ulrich Knauer et Alexander V. Mikhalev, Monoids, Acts and Categories : With Applications to Wreath Products and Graphs, Berlin/New York, Walter de Gruyter, coll. « De Gruyter Expositions in Mathematics » (no 29), , xviii+529 (ISBN 3-11-015248-7)
  • (en) Attila Nagy, Special Classes of Semigroups, Kluwer Academic Publishers, coll. « Advances in Mathematics (Dordrecht) » (no 1), , viii+269 (ISBN 0-7923-6890-8, MR 2002d:20091, présentation en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]