Anacyclose

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Schéma de l'anacyclose selon Polybe.

L'anacyclose (en grec ancien : ἀνακύκλωσις) est une théorie politique au sujet du caractère cyclique de la succession des régimes politiques.

Concept[modifier | modifier le code]

L'anacyclose désigne un changement récurrent de régimes politiques sous la forme d'un cycle[1].

Utilisations[modifier | modifier le code]

Chez Platon[modifier | modifier le code]

Le concept d'anacyclose est mis en avant en premier par Platon. Dans le livre VIII (545a-546b) de la République, l'auteur classifie les régimes politiques et soutient que des régimes qui sont faibles de manière inhérente se corrompent successivement[2]. Le philosophe décrit quatre formes de cités et d’hommes injustes correspondant à quatre degrés de corruption de la justice, qui sont énumérés en 544c : timocratie (timarchie), oligarchie, démocratie et tyrannie.

Chez Aristote[modifier | modifier le code]

Aristote fonde sa compréhension de l'alternance des régimes politiques sur une observation empirique des cycles de révolutions dans les cités-États de la Grèce de son temps[3]. Il ne considère pas la démocratie comme un régime particulièrement plus vertueux que les autres qui composent le cycle[4].

Chez Polybe[modifier | modifier le code]

L'anacyclose est ensuite développée par l'historien grec Polybe de Mégalopolis[5]. Celui-ci étend le cycle à six phases, qui font basculer la monarchie dans la tyrannie, à laquelle fait suite l'aristocratie qui se dégrade en oligarchie, puis vient la démocratie, qui entend remédier à l'oligarchie, mais sombre, dans une sixième phase, dans le pire des régimes qui est l'ochlocratie, où il ne reste plus qu'à attendre l'homme providentiel qui reconduira à la monarchie[6].

Polybe a une vision déterministe du cycle des régimes, qui fait partie, selon lui, de l'ordre du temps[7]. Il prévoit que toute constitution finit par être remplacée par une autre, une domination par une autre, et ce sous la forme d'un cycle éternel[8].

Chez Cicéron[modifier | modifier le code]

La théorie est admise par Cicéron dans le De Republica[9]. Il s'affranchit toutefois des jugements de valeur de ses prédécesseurs. Il affirme la monarchie supérieure en tant qu'elle est une forme pure de l'imperium; il montre toutefois le besoin d'une temperatio imperii pour modérer le pouvoir[10].

Chez Machiavel[modifier | modifier le code]

Elle est ensuite reprise par Nicolas Machiavel dans les Discours sur la première décade de Tite-Live, au deuxième chapitre du premier livre. Il réutilise la démonstration de Polybe, qu'il a beaucoup lu, en la modifiant[11]. Machiavel considère toutefois l'alternance des régimes comme due principalement au hasard. Il écrit ainsi : « ces variations de gouvernements naissent au hasard parmi les hommes » ; il n'y a pas de déterminisme surplombant. En soutenant cela, Machiavel libère le temps politique d'un temps qui serait inscrit dans la nature et supérieur à lui[7]. Sa position se veut donc terre-à-terre et empirique. L'anacyclose de Machiavel se détache de l'anacyclose cosmique[12].

Critiques et débats[modifier | modifier le code]

L'anacyclose est analysée par Karl Popper dans La Société ouverte et ses ennemis comme une forme d'historicisme, c'est-à-dire de déterminisme historique immuable[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Benjamin Morel, Les bases du droit constitutionnel, dl 2020 (ISBN 979-10-358-0943-0, OCLC 1196335589, lire en ligne)
  2. Voir Patrick Juignet, Platon et les régimes politiques. Philosophie, science et société (lire en ligne)
  3. Christine Noël, La peur, révolutions : réussir le concours commun d'entrée en première année d'IEP/Sciences Po 2022, dl 2021 (ISBN 978-2-340-05474-5 et 2-340-05474-5, OCLC 1272853600, lire en ligne)
  4. David Ferrière, L'école, la démocratie : questions contemporaines 2016, A. Colin, dl 2015, cop. 2015 (ISBN 978-2-200-61151-4 et 2-200-61151-X, OCLC 922991889, lire en ligne)
  5. VI, 4, 6
  6. VI, 9.
  7. a et b Marie Gaille, Institut Claude Longeon et École normale supérieure Lettres et sciences humaines, Le gouvernement mixte de l'idéal politique au monstre constitutionnel en Europe, XIIIe – XVIIe siècle, Publications de l'Université de Saint-Étienne, (ISBN 2-86272-363-0 et 978-2-86272-363-1, OCLC 492067406, lire en ligne)
  8. Marilène Raiola, Luigi-Alberto,. Sanchi et Impr. Floch), Histoire de la littérature grecque a l'époque hellénistique, vol. 2, Éd. Desjonquères, impr. 2004 (ISBN 2-84321-066-6 et 978-2-84321-066-2, OCLC 493241382, lire en ligne)
  9. Livre I, § XLII et suivants.
  10. Richard Goulet, Dictionnaire des philosophes antiques, Editions du Centre national de la recherche scientifique, (ISBN 978-2-271-06175-1, lire en ligne)
  11. Dialogues d'Histoire Ancienne 34/1, Presses Univ. Franche-Comté (ISBN 978-2-84867-231-1, lire en ligne)
  12. (de) Internationale Zeitschrift fu( r Philosophie, Verlag J.B. Metzler, (ISBN 978-3-476-01213-5, lire en ligne)
  13. Karl Popper, La société ouverte et ses ennemis. [Tome 1], L'ascendant de Platon, dl 2018 (ISBN 978-2-7578-7313-7 et 2-7578-7313-X, OCLC 1042270544, lire en ligne)

Bibliographie[modifier | modifier le code]