La Chasse spirituelle

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La Chasse spirituelle est un texte en prose perdu attribué à Arthur Rimbaud. Paul Verlaine, qui affirmait que c'était le chef-d'œuvre de son auteur, prétendit avoir oublié ce texte chez sa femme Mathilde au moment de l'escapade avec Rimbaud en Belgique. Selon Jacques Bienvenu, Verlaine a voulu faire croire que le texte de La Chasse spirituelle se confondait avec le texte des lettres échangées par Rimbaud et Verlaine en mars-avril 1872, au contenu scabreux, de façon à prétendre que ces lettres constituaient un travail littéraire ; ces lettres furent retrouvées par Mathilde, qui s'en servit ultérieurement pour gagner son procès en demande de séparation en 1874[1]. Selon Jean-Jacques Lefrère au contraire, tout porterait à croire que ce texte a bel et bien existé[2],[3].

Un texte d'une dizaine de pages, dont aucun manuscrit autographe n'a été produit, a été publié en 1949. Fortement inspiré dans sa forme d'Une Saison en enfer, mais bourré de maladresses indignes de l'auteur présumé selon le jugement d'André Breton[4], le texte s'est révélé être un faux.

Le « scandale Rimbaud »[modifier | modifier le code]

Le , Pascal Pia, connu pour ses faux d'Apollinaire, Baudelaire et Radiguet, mais aussi pour la publication de trois textes authentiques de Rimbaud jusque-là inconnus[Lesquels ?], présenta à la stupéfaction générale La Chasse spirituelle, dont le journal Combat publia des extraits. Un texte intégral fut publié quelques jours plus tard au Mercure de France. Mais André Breton dénonça rapidement l’imposture[4], et les comédiens Akakia-Viala et Nicolas Bataille reconnurent être les auteurs de ce faux[2].

L'éditeur qui avait été berné reconnut la supercherie proposa de rembourser les acheteurs mécontents, et fit signer par les libraires commandant de nouveaux exemplaires une note précisant qu'il s'agissait d'un « pastiche ». Les deux auteurs avaient monté toute cette affaire pour se venger des « rimbaldiens » qui avaient critiqué leur mise en scène d'Une Saison en enfer représentée à Paris quelques mois auparavant. Ils avaient confié le texte, mystérieusement copié chez un collectionneur voulant garder l'anonymat, à un ami, espérant que leurs détracteurs en auraient vent, mais n'avaient pas prévu qu'on le publierait à leur insu.

En 2012 paraît une réédition de ce texte (éd. Léo Scheer), sous le nom d'auteur « Arthur Rimbaud », avec une postface de 260 pages de Jean-Jacques Lefrère dans laquelle celui-ci cite et commente un grand nombre de textes publiés, pendant les années 1949-1959, autour de la fausse « Chasse spirituelle ». Un appendice de 196 pages réunit, sous le titre « La Pêche spirituelle », une série d’autres parodies et pastiches rimbaldiens, en prose et en vers.

Origine probable du titre "La Chasse spirituelle".

La mise au jour récente par Alain Collet de l'origine probable du titre de ce texte perdu va vraisemblablement engager les recherches dans une direction nouvelle, au-delà des conjectures et des fantasmes. "La Chasse spirituelle" est une expression qui figure dans le titre d'un poème de Guy (Guillaume) Michel dit de Tours publié au début du XVIe siècle : "La Forest de Conscience, contenant la chasse spirituelle des Princes, écrite en rime Françoise, par Guy Michel dit de Tours. Paris, Le Noir, 1520. in 8°. Gothiq." (G.-F. Debure, Bibliographie instructive, 1763 - 1768, volume Théologie, notice 486, p. 312 ; exemplaire conservé à la Bibliothèque nationale) [5]. "L'auteur, en prose et en vers, utilise la chasse et les animaux appropriés pour illustrer la poursuite d'une vie morale chargée des sept péchés mortels et des punitions potentielles pour s'être écarté du droit chemin " (traduction d'après la notice du Hathi Trust Digital Library).

On sait que Rimbaud avait le projet d'écrire un ensemble de textes regroupés sous le titre d' "Histoire magnifique" ou "splendide". Il est vraisemblable qu'il se soit souvenu du titre et du contenu de ce texte aux caractères mystiques pour produire une des "photographies des temps passés" évoquées dans ses souvenirs par Ernest Delahaye et confirmées par la lettre de Rimbaud à l'homme de lettres Jules Andrieu du 16 avril 1874.

"La Chasse spirituelle" est probablement un de ces "morceaux de bravoure historique " (expression du poète lui-même) que Rimbaud a perdu dans les circonstances rocambolesques que nous savons et qui n'ont pas peu contribué à la naissance d'un mythe.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Les vrais faussaires de la Chasse spirituelle », Parade sauvage, n° 19, 2003.
  2. a et b L'affaire Rimbaud.
  3. Jean-Jacques Lefrère, « Rimbaud dans une “Pléiade” sans étoiles « Le blog de la Quinzaine Littéraire », sur laquinzaine.wordpress.com, 2012-01-27 (date d'archivage) (consulté le )
  4. a et b André Breton, « Flagrant délit », Le Figaro, 2 juillet 1949 ; repris dans André Breton, La clé des champs, Le Livre de Poche, coll. « Essais », 1991, pp. 163-215.
  5. Collet Alain, « Guy Michel dit de Tours, Rimbaud et "La Chasse spirituelle". Origine probable du titre du poème perdu de Rimbaud. », Parade sauvage, Revue d'études rimbaldiennes, 2020, n° 31.,‎ , p. 313 - 315.

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